Dixième album pour Ten que cet "Heresy And Creed", alors qu'il était plutôt question d'un huitième album pour Gary Hughes son géniteur. Pour l'occasion, ce dernier a renouvelé presque entièrement son effectif, puisque seul Dan Mitchel à la six cordes est resté à ses cotés, depuis l'an dernier et l'album "Stormwarning". Du coup, on assiste ici à la réapparition du guitariste John Halliwell et du bassiste Steve McKenna. D'un retour aux origines et aux très appréciés trois premiers albums du groupe est-il question ici ? Tachons de répondre à cette taraudante question existentielle.
Gary Hughes n'est pas un frontman doté d'un organe vocal particulièrement brillant, ni voix de basse, ni soprano, il fredonne ses ritournelles dans un registre médian auquel il se tient avec constance, quelque soit le tempo de ses compositions. Cependant, convenons qu'il le fait avec classe, comme un Phil Mogg ou un Bob Catley par exemple. Ses compositions sont également empreintes de cette particularité, qu'il travaille pour lui-même, Ten ou Bob Catley, pour qui il a conçu trois albums pour le moins estimables entre 1998 et 2001. "Heresy And Creed" est un album disparate, en rythmes, en références et en qualité, mais il abrite une constante, la belle présence des guitares. Il s'agit d'ailleurs probablement ici de la plus belle performance d'une paire de guitaristes chez Ten depuis ses débuts. Quant au style, il s'agit, bien entendu, ceux qui connaissent Hughes ne seront pas surpris, de Hard-Rock Mélodique joué avec emphase et qui ne fait pas mal aux oreilles.
Passé l'intro orientale, l'opus démarre plutôt fermement avec, dans les mêmes lointaines atmosphères, un "Arabian Nights" qui déroule ses riffs costauds, ses vagues incessantes de soli et ses mélodies imparables sur un rythme effréné, et un "Gunrunning" aux mélopées encore plus catchy et aux guitares encore plus intenables qui ramènent ponctuellement, et avec un plaisir évident, à Thin Lizzy. Deux morceaux forts en goût qui laissent augurer du meilleur. Mais ce n'est pas parce que la bande à Lynott est ici évoquée que "The Lights Go Down", qui déboule à la suite, vaut "The Sun Goes Down" (l'inoubliable titre de Lizzy). Ce titre en mid-tempo, aux qualités mélodiques un ton en dessous de ces deux précédant camarades de piste (mis à part le pré-refrain), est moins convaincant, même si les six-cordes s'en donnent une fois de plus à cœur joie et ce n'est pas la ballade irlandaise "Raven's Eye", du Gary Moore passé au ralenti, trop répétitive et lancinante, qui va nous ramener à la qualité salivante des deux premiers titres. Nous sommes toutefois ici simplement dans le 'correct sans plus', comme avec "Game Of Hearts" qui balance pourtant riffs rapides et batterie galopante mais dont la mélodie reste basique.
Au rayon des ratages, nous trouvons "Right Now", syncopé, répétitif et au final ennuyeux, et "The Priestess", funky, on pense à Extreme, original pour Ten, mais qui aurait dû rester dans les cartons. Heureusement, ces dommages sont compensés par deux belles ballades, deux titres rentre-dedans et un morceau pour les radios. "The Last Time" qui, malgré ses synthés un tantinet désuets, nous parle bellement d'amour avec une magistrale apparition au final d'une guitare émouvante et d'un piano apaisant, et "The Riddle" où cet instrument prédomine avec grâce. Ces deux morceaux sont là pour la touche romantique. Pour les plus énervés, "Insatiable", au souffle porteur et aux guitares omniprésentes, cartonne son monde, et "Unbelievable", à l'esprit Rock, nous fait taper du pied avec son rythme entraînant et sa mélodie classieuse. Pour compléter le tout, au cas où certaines radios oseraient tenter l'essai, Ten nous propose, avec "Another Rainy Day", une petite douceur très 'propre sur elle' en mode Rock californien, où on peut croiser Reo Speedwagon (le piano médian) et Boston (les guitares à sa suite).
Ce nouvel album de Ten ne révolutionnera pas l'œuvre de Hughes ni le monde du Hard-Rock mélodique. Personne ne s'y attendait me direz-vous, mais il s'écoute agréablement et pourrait se faire une place chez vous sans effrayer vos collègues de sofa. Néanmoins, il serait peut-être de bon conseil de susurrer à Gary Hughes, tout en gardant sa patte classieuse, de chercher un jour à muscler un tantinet ses propos sur la durée d'un album, car le démarrage de son dernier bébé aurait mérité de se poursuivre jusqu'à sa dernière piste. Un cru agréable ceci-dit !