Contre toute attente, et alors que celui-ci semblait incarner le chanteur qu'il avait toujours recherché, Jeff Waters se sépare de Joe Comeau en 2003, le temps de boucler le double live que les fans attendaient depuis longtemps. C'est sur un inconnu, jeunot de surcroît, que le Canadien jette son dévolu, le dénommé Dave Padden, également guitariste de son état. Lorsque sort All For You, nous sommes alors loin d'imaginer que celui qui s'installe en 2004 sur ce qui demeure depuis les débuts d'Annihilator un véritable siège éjectable, sera encore là huit ans plus tard, enregistrant avec le groupe - à ce jour - quatre albums !
Quand beaucoup de musiciens de sa génération commencent tout doucement à ronronner et à voir leur vigueur se ramollir très nettement, Waters, au contraire, affiche d'année en année une forme, une énergie de plus en plus insolentes, tandis que son inspiration ne semble pas prête de se tarir. Est-ce dû au sang neuf que Padden, chanteur à la voix plus moderne que ses prédécesseurs, injecte à ce Speed/Thrash qui se bonifie avec le temps ? Peut-être bien.
Si son visuel renvoie, à l'instar de Criteria For A Black Widow, au fameux Alice In Hell, All For You arbore quant à lui une réussite bien plus probante que son aîné de 1999. Le guitariste nourrissait-il alors l'ambition d'en faire une sorte de Alice In Hell des années 2000 ? On ne sait pas. Reste qu'on y pense toutefois tant les deux opus sont propulsés par une même force sombre. En outre, son titre sonne comme l'humble remerciement d'un musicien simple et passionné adressé aux fans du groupe, sans lesquels ce dernier ne serait sans doute plus là.
Hormis les deux ballades, "The One", très Metallica dans l'esprit et, un cran en dessous, "Holding On", que chante néanmoins Waters lui-même, ce qui est surprenant car ce n'est pas dans ce registre qu'on l'attend, l'opus avale les brulots comme un bolide lancé à plein régime les kilomètres. Avec sa grosse ligne de basse en ouverture et sa rythmique épaisse, "All For You" met tout le monde d'accord même si, cisaillé par un refrain mélodique, il peut étonner. On y découvre la nouvelle voix d'Annihilator, alternant chant clair, presque pop, et éructations énervées. Long de plus de 7 minutes, "Dr Psycho" démarre sur une intro menaçante et une ligne de basse encore une fois énorme. Puis, le morceau décolle, renouant avec le style des Canadiens, toutefois perturbé par les interventions versatiles de Padden, recrue décidément brillante.
D'une manière générale, ces nouvelles compos s'avèrent plus longues que leurs devancières, à l'image de "Both Of Me", pièce alambiquée et fausse ballade, de "Bled", ou bien encore "The Nightmare Factory" en qui on tient un des joyaux de All For You grâce au solo nerveux du maître Waters, lequel accouche aussi, avec "The Sound Of Horror", du plus bel exercice instrumental de sa carrière, pulsation noire et rampante tout en progression.
Bref, ce dixième album est à ranger parmi les meilleurs d'Annihilator, confirmant l'inspiration décuplée de Jeff Waters, depuis Carnival Diablos.