Ce premier album de Saturnus évoque beaucoup de choses pour l’amateur de doom-death des années 90. Paradise Belongs To You, c’est tout d’abord ce visuel, superbe, figurant un chevreuil mort dans un tapi de neige. Paradise Belongs To You, c’est ensuite un premier titre éponyme, long de plus de dix minutes, qu’introduit le chant des oiseaux (que l’on retrouve d’ailleurs tout du long), théâtre d’une musique mélancolique et majestueuse, et d’une beauté poignante et pastorale surtout. Dix minutes qui justifient à elles seules l’achat d’un disque, lequel, s’il ne s’était résumé qu’à elles, aurait quand même été indispensable. Paradise Belongs To You est donc une œuvre majeure de cette chapelle de la douleur.
S’ils s’inscrivent dans le sillage de l’école britannique, celle de My Dying Bride et d’Anathema ("Pilgrimage Of Sorrow"), les Danois possèdent toutefois une personnalité qui leur est propre, laquelle est à chercher dans le romantisme désespéré qui drape leurs compositions, dans le recourt à des nappes de claviers frissonnantes ("The Fall Of Nakkiel") ainsi que dans cette capacité qu’ont les guitares à tisser des mélodies obsédantes et tristes, lanternes dans un brouillard de sentiments désolés. Le déchirant "Chris Goodbye", qui succède à l’entame décrite plus haut, en est la plus pure des illustrations.
En fait, le seul défaut de ce premier essai est de trop bien débuter car forcément, après cette double salve, le reste peine un peu à laisser autant de résidus dans la mémoire, quand bien même l’acoustique "The Fall Of Nakkiel", enrichi de lignes vocales féminines et d’une flûte, se révèle également très beau. Aussi réussis soient-ils, "Astral Dawn", "I Love Thee" ou bien "The Underworld', ne parviennent jamais à se hisser à la hauteur de "Paradise Belongs To You" et de "Chris Goodbye" et ce, en dépit d’une formule quasiment à l’identique.
Pour autant, Saturnus parviendra-t-il à faire mieux par la suite ? Ce n’est pas évident, même si le miraculeux Veronika Decides To Die, son acte de renaissance, lui est bien supérieur. Certains nostalgiques qui estiment toujours que c’était forcément mieux avant, ne seront certainement pas d’accord: tant pis pour eux. Paradise Belongs To You est donc un très grand album qui souffre néanmoins de l’écueil dans lequel tomberont toutes les offrandes du groupe, à savoir un caractère un peu inégal qui empêche les Danois de réellement passionner sur toute la durée d’un disque, relative faiblesse qui n’enlève en rien au talent incontestable de musiciens qui restent parmi les meilleurs dans le genre.