Je vais vous faire une confidence : je suis sensible aux gros sons de claviers. Au grand piano, bien sûr, qu’Emerson ou Banks ont su si magnifiquement employer dans le progressif, mais aussi aux synthétiseurs, que ce soit en larges nappes de chords, en accords éthérés de Mellotron ou en loops de séquencer... Oui, tout cela me touche. Et si en plus, vous tombez sur un groupe qui sait allier cette spectaculaire utilisation des claviers avec des contrastes de rythmes, chose que font remarquablement certains groupes comme Riverside ou Porcupine Tree, alors il y a de fortes chances que cette musique me parle. Prenez la dernière production de Galahad, par exemple : “Beyond The Realms Of Euphoria”. Voilà un disque paru 5 années après l’album de la consécration pour le groupe, l’excellent “Empires Never Last”, et seulement quelques mois après le plus banal “Battle Scars” : la recette n’a guère changé sur cette période avec une musique progressive teintée d’électro, rehaussée par des riffs dynamiques et portée par un sens certain de la mélodie.

Avec “... Realms ...”, Galahad a réutilisé ses recettes éprouvées mais en les typant un peu plus. Mettons tout de suite de coté la dernière plage, ‘Richelieu's Prayer 2012’, remake d’un titre de leur premier album paru en 1991, lorgnant assez ouvertement vers les travaux d’un Marillion de la fin de l’ère Fish ; ce morceau bénéficie certes d’une production digne de ce nom, mais reste, avec son côté un peu daté, très décalé par rapport au reste de “Realms ...”, autrement plus moderne, et qui aurait pu se passer de ce rajout.

Revenons au reste du disque, qui est remarquablement homogène : les sons électro y prédominent, au détriment relatif des guitares, malgré deux jolis solos sur ‘... And Secrets Worlds’ et ‘All In The Name Of Progress’. Les claviers se taillent bien la part du lion, dès l’entame, avec un ‘Salvation I - Overture’ qu’Alan Parsons n’aurait pas désavoué, mais aussi avec ‘All In The Name Of Progress’, où les loops de synthé s’associent aux sons électro des percussions pour un résultat extrêmement efficace. En poussant les claviers vers leur côté démonstratif, Galahad aurait pu tomber dans la caricature, à l’image des grandes orgues de la reprise de ‘Guardian Angel’. Alors que l'ensemble pourrait être too much, c’est tout simplement grandiose !

Ce qui est remarquable, c’est qu’il n’y a pas forcément une énorme originalité dans chacun des éléments utilisés et pourtant l’ensemble trouve un ton résolument original et un équilibre magistral, sublimé par la magnifique implication vocale de Stuart Nicholson (point d’orgue : ‘All In The Name Of Progress’). Il faut saluer le culot de Galahad qui a su pousser ses caractéristiques - rythmique dynamique, facilité à trouver des mélodies qui tapent, sons typés sans tomber dans la caricature, enchaînement des titres sans aucun temps mort - pour nous livrer ce petit bijou de musique progressive moderne. A ce jour, “Beyond The Realms Of Euphoria” est, tout en restant dans la suite logique des travaux précédents de Galahad, la quintessence d’un genre électro-mélodico-théâtral. Ça valait bien le coup d’attendre cinq années !