Héro folklorique américain, ouvrier aux allures de colosse ayant pris part à l’ouverture des voies ferrées à travers l’Amérique, John Henry est le prisme idéal pour un Joe Bonamassa qui se sent prêt à se livrer à travers sa musique. Le maître l’avoue lui-même, s’il a composé la première moitié de l’album dans un état de grâce, il s’est retrouvé dans le plus strict opposé lors de la seconde partie. C’est pourquoi ce 7ème album, composé pour la moitié de titres très personnel, se veut aussi plus profond.
'Story Of A Quarryman' et 'The Great Flood' sont les deux parfaits exemples de l’antagonisme que peut révéler "The Ballad Of John Henry". Le premier, divin, lumineux et résolument Rock (comme un 'Last Kiss' plus enlevé et au Hammond bien senti, un 'Lonesome Road Blues' très Ten Years After) file une sacré pêche à l’album et contient un solo d’anthologie. Le second, sublimant la fin de l'album, est emprunt d’une douleur profonde qui contamine chaque coup de caisse claire, chaque accord posant une chape de plomb qui occulte totalement le ciel et la lumière (l'échange original avec le sax fait du solo un moment à part). La même douleur éclabousse de classe le curieusement nommé 'Happier Times' à la rythmique presque R'n'B mais à l’émotion magistrale (guitare électrique, piano et guitare sèche).
Et c'est tout l'album qui oscille ainsi entre ombre et lumière, jusque dans les reprises. Comme tout bluesman qui se respecte, Bonamassa revisite à sa sauce quelques grands classique comme le 'Jockey Full Of Bourbon' de Tom Waits à l’intro délicieuse et aux vieux banjos authentiques, le joyeux 'As The Crow Flies' de Tony Joe White, ou encore le cuivré en patte d'eph 'Funkier Than A Mosquito’s Tweeter' du couple Turner. L’ultra-classique 'Stop !', mille fois repris se voit, par le prisme de la voix brisée mais habitée du maitre, paré d’un voile noir qui lui sied à merveille.
A peine le voyage achevé, l’éponyme opener qui ouvre l'album avec la force et l’atmosphère épaisse qui caractérisera les albums suivants se rappellera bien vite à vous, vous entraînant de nouveau au pays de Joe où violons et poussières sont la toile de fond de ce Blues-Rock solide et épique. 'The Ballad Of John Henry' sera d’ailleurs l'un des seuls titre solo de Bonamassa repris en concert par Black Country Communion.
Rudement bien ficelé et équilibré à l’écoute, bénéficiant d’un traitement de luxe de la part d’un Kevin Shirley conquis, voilà bien l’une des meilleurs salves de Joe à ce jour. D’ailleurs, les fans et la presse ne s’y méprennent pas et à la sortie de "The Ballad Of John Henry", Joe Bonamassa commence à avoir le vent en poupe. Les radios européennes lui font les yeux doux alors que l’Angleterre et les Etats-Unis le portent déjà au firmament des futures icônes du Blues. L’Histoire est en marche !