Né plus ou moins des cendres de Love Lies Bleeding, cela fait longtemps que le premier signe de mort de Decline Of The I est attendu, side-projet du stakhanoviste A.K., sorte de mercenaire chevronné du Black Metal hexagonal et plus précisément parisien, au tableau de chasse des plus estimables (de Vorkreist à Merrimack, de Eros Necropsique à Malhkebre). En toute logique, et bien qu'accompagné par deux autres chanteurs (Georges d'Eibon et l'ex Vorkreist et Olc Sinnsir, Sork-Khasm) ainsi qu'un batteur (Necrolith, un ancien Merrimack), l'homme s'y charge de tout ou presque, artiste complet assurant chant, guitare, claviers et programmation.
Programmation ? Oui car, annoncé comme un mélange de Burzum, (Code) et Neurosis (?), le groupe erre en réalité sur les terres ravagées d'un art noir dont le caractère moderne et évolutif lui vaut, faute de mieux, de se voir collé l'étiquette "Post", préfixe qui effectivement ne veut rien dire. N'allez toutefois pas croire que Decline Of The I est encore un de ces sorciers du dimanche tentant, tant bien que mal de faire copuler Black Metal et boucles indus. Plutôt que de boucles, ce sont surtout des kystes pollués, porteurs de maladies auxquels se limite cette influence.
Le reste, l'essentiel donc, arpente un gouffre noir, nauséeux, affreusement malsain où domine un sens des atmosphères aux relents de stupre et de drogue. Inhibition suinte la perversion par tous ses pores, par toutes ses notes. Les samples tirés de "La maman et la putain" de Jean Eustache (ah, Bernadette Lafont !) gangrenant "Mother And Whore", ou le délicieux monologue remplissant le prologue "Où se trouve la mort ?", participent de ces ambiances déviantes, poissant l'ensemble d'une beauté nihiliste et déglinguée. Pour tout dire, et nonobstant la bonne tenue de la plupart des travaux auxquels il prête son savoir-faire, nous n'attendions pas A.K. à un tel niveau de réussite !
S'il n'est pas exempt de menus grumeaux (les titres sont ainsi parfois un peu trop longs), l'album déclenche l'attirance morbide que l'on ne peut s'empêcher d'éprouver à proximité de la mort. De son intimité giclent des fulgurances telles que "Static Involution" et ses chants grégoriens, "The End Of The Sub-Elitist Addiction", ou bien le déjà cité "Mother And Whore", qui justifient à eux seuls l'impérieuse acquisition de cette œuvre qu'on devine extrêmement personnelle, premier segment d'une trilogie programmée dont on suivra les deux autres volets avec une excitation non feinte.