Attention, découverte française ! Du genre extra-terrestre qui ne saute pas aux oreilles tout de suite et qui demande un peu de temps et d'ouverture pour s'apprécier. La jaquette intrigue tout d'abord avec son artwork particulièrement réussi illustrant un origami complexe de fourmi et le nom du groupe, écrit dans une police asiatique. Dès les première notes de cette autoproduction, l'auditeur plonge dans une atmosphère atypique où les instruments de la formation Death se mêlent à des instruments ethniques : flute japonaise, vielle à roue, sitar, percussions traditionnelles... L'œuvre en 13 morceaux conte l'histoire d'une fourmilière en 4 parties (introduction, civilisation, expansion et révolution), suivant un cheminement logique et chapitré qui se doit d'être expérimenté en une écoute d'une traite pour être compris et apprécié à sa juste valeur.
On entre dans "Anthill" avec une ambiance forestière, grouillante d'insectes, où l'on sentirait presque la mousse et la rosée du matin sur un fond de sonorités zen (flute, harpe et sitar). Bienvenue, sa - presque - fabuleuse histoire va vous être narrée... Sur la deuxième partie de l'introduction, 'Once Upon A Time', les Français de Grorr déploient une partie de leur Death Progressif où se mêlent guitares saturées et double grosse caisse au tempo modéré, sur des phrasés complexes voisins du Djent.
La partie Civilisation ne passe pas par quatre chemins. Les quatre chansons qui la composent s'articulent autour du même phrasé musical saccadé : illustration de la vie structurée, monotone et répétitive de la fourmilière. La voix de Bertrand alterne chants lointains et growls intenses tandis que les instrumentistes envoient un véritable mur de sons coupés par des passages planants. 'Megalopolis' clôture cet acte sur une atmosphère plus lourde et pesante qu'il n'a commencé, prenant plus de hauteur sur les détails de la fourmilière et débouchant sur un 'We-Legion', premier titre de la partie Expansion. Ce volet dévoile la grandeur de cette armée miniature, prête à intervenir de façon militaire. Cela s'en ressent dans la musique, encore plus saccadée que sur les morceaux précédents. Ce titre illustre l'art de la guerre dans ce micro cosmos, où les Palois alternent intelligemment patterns binaires et ternaires. Jérémie, le batteur expose sa maîtrise de l'instrument, étalant un jeu tout en finesse et subtilités. Sur 'Termit Mount', l'ennemi est introduit et identifié. Lente montée en puissance, le titre s'achève en apothéose pour introduire 'We-War', qui incarne le champ de bataille et la violence qui y est pratiquée. Ames sensibles s'abstenir, les growls et cris surpuissants de Bertrand ont remplacé ses chants et on atteint des tempi très rapides. Les guitares envoient des riffs assaillants, aussi graves que gras.
Expansion, quatrième et dernier volet va tour à tour mettre en scène la reconstruction, un coup de théâtre et la présence de l'ennemi à l'intérieur de la "Anthill". Quiconque a lu la trilogie des fourmis de Bernard Werber y verra une ressemblance frappante avec cette œuvre. Le dernier titre, 'Once Upon Again' conclut l'album en montrant qu'il ne s'agit que d'un éternel recommencement. La musique de ce dernier acte, moins planante - mais toute aussi riche en sonorités world -, semble mélanger toutes les influences des trois premiers.
Doté d'une production impeccable - une auto-production française de ce niveau mérite d'être remarquée - permettant d'envoyer en puissance des riffs martelant, mais favorisant aussi parfois davantage les instruments ethniques, "Anthill" sort son épingle de la masse en imposant un style fin, riche d'influences culturelles variées. Le mélange entre le Death Progressif, tinté de Djent et Metalcore, et sonorités World, est subtil, intelligent et bien dosé. Une réécoute de ces 46 minutes d'enchainements travaillés donne une meilleure relecture de l'histoire. Alors, n'hésitez pas une seconde à en abuser !