Avec "Violent Revolution", Kreator avait remis les pendules à l'heure médiatiquement et auprès de son public. Certes, il avait reculé artistiquement devant la vindicte populaire mais son retour au thrash avait été couronné de succès. L'album était de grande qualité, parfaitement calibré, interprété avec un souci certain de la mélodie qui fait mouche et des tubes en pagaille. La tournée qui avait suivi était gigantesque et avait accouché d'un live tout aussi marquant.
"Enemy Of God" va mettre du temps à arriver: il sort en 2005, 4 ans après "Violent Revolution", avec un line-up inchangé et va poursuivre sur la trace de son prédécesseur, tellement qu'il sonne quasiment comme son frère jumeau. La pochette est quasi identique et les thèmes politiques et sociaux sont de nouveau au programme. La seule petite nouveauté vient de l'introduction d'éléments plus typés death mélodique assez dans l'ère du temps. Mais malgré cette stagnation, "Enemy Of God" reste un très bon cru de la part de la bande de Petrozza, avec une grande cohérence et son lot de titres marquants.
Encore une fois, le disque démarre avec le tube parfait, le titre qui sera hurlé en concert par des hordes de fans déchainés: "Enemy Of God" est en effet idéal dans ce rôle avec son rythme implacable, des riffs et soli ultra rapides, mais toujours avec ce souci de la mélodie qui fait mouche, son chant au débit digne d'une mitraillette et son refrain scandé imparable et martelé avec conviction. Suivant le même schéma que "Violent Revolution", on trouve ensuite trois très bons titres avec "Impossible Brutality", "Suicide Terrorist" et "World Anarchist". Les trois sont dans la mouvance thrash typiquement germanique, avec parfois un petit côté à la Slayer, et sont dotés d'excellents refrains véritables, coups de poings dans la face de l'auditeur.
La suite de l'album est moins ancrée sur des tubes immédiats mais n'est pas pour autant à négliger. Il y a du Kreator classique avec un "Dystopia" et un "Murder Fantasies", tous deux d'une belle efficacité. Avec "The Ancient Plague", le groupe propose un titre assez long, plus posé et technique, avec un côté épique pas si loin d'un Iron Maiden, qui en fait une grande et belle réussite. Mais il y a aussi en fin de disque quelques petites évolutions avec un ton proche du death mélodique à la Arch Enemy, comme sur "When Death Takes It's Dominion", "Under A Total Blackened Sky" et "Dying Race Apocalypse" dotés de passages de guitares typiques du genre et un aspect accrocheur bien développé. On sent bien que Kreator cherche à coller aux modes musicales mais la chose est bien faite. Petrozza garde sa rage intacte au chant, et cela se pardonne.
"Enemy Of God" est donc un album très solide de plus de la part des Allemands. Il n'est sans doute pas le meilleur de la discographie de Kreator mais présente une belle homogénéité. Après plus de 20 ans de carrière, voire la bande de Petrozza dans une si belle forme fait plaisir même s'il est quasiment certain que le temps des expérimentations est bien passé. Il reste juste à espérer que cela continue sans que le groupe n'aille trop fréquenter les modes fugaces.