Pour Uriah Heep, l'entrée dans les années 80 a été un désastre complet: "Conquest" a été, à très peu de choses près, un ratage artistique total, Ken Hensley a déserté le navire peu de temps après la sortie du disque et après la tournée, le groupe s'est complètement disloqué au point de presque disparaître, car le guitariste Mick Box a pas mal hésité avant de continuer l'aventure sous le nom d'Uriah Heep. Finalement, il choisit de garder le vaisseau à flots en remontant un line-up complet: il rappelle le batteur Lee Kerslake, va chercher le bassiste Bob Daisley chez Ozzy Osbourne, et appelle Peter Goalby au chant.
Ce petit monde va mettre à profit la fin de l'année 1981 pour donner vie à "Abominog", 14ème album de la légende britannique, qui sera une véritable résurrection artistique et commerciale. Uriah Heep va revenir en partie à ses bases Hard-Rock, mais en y mêlant quelques influences plus heavy et d'autres taillées pour la radio. De plus, le disque, composé de 10 titres comprend pas moins de 5 reprises, toutes composées peu de temps avant par divers artistes. Malgré cet aspect bricolage, "Abominog" est un excellent album avec un chanteur largement meilleur que John Sloman. Goalby est mélodique et puissant, sans en faire des tonnes, et parfait pour le style Uriah Heep.
Dès "Too Scared To Run", on pousse un immense soupir de soulagement: l'inspiration est là avec ce titre au refrain énorme, au rythme endiablé, avec ce petit côté épique de la guitare et du clavier qui renvoi vers "Easy Livin'". La suite confirme ce regain de forme, avec d'abord "Chasing Shadows", plus posé, avec des claviers plus typés FM années 80, mais confirmant le bon choix vocal du groupe et avec encore un refrain imparable. John Sinclair, le nouveau clavier, a amené "Running All Night" qu'il avait sorti avec Lion, son ancien groupe, et ce titre, avec logiquement des claviers biens mis en avant, est une belle réussite de Hard-Rock classique. On retiendra aussi les deux autres compositions originales: "Sell Your Soul" et "Hot Persuasion", titres dans le pur style de Uriah Heep sur lesquels Box se fait plaisir en délivrant de bons riffs. Il faut aussi signaler "Think It Over", bonne composition de heavy-rock accessible, survivante de l'ère "Conquest" et qui, ainsi chantée, est parfaitement convaincante.
Enfin, les reprises vont confirmer qu'Uriah Heep est assez à l'aise dans le pur style rock FM. Se distinguent d'abord "On The Rebound" et "Hot Night In A Cold Town": ces deux chansons sont taillées pour un large public et ont tout pour devenir des hits en puissance avec des mélodies sucrées et des chœurs adroitement utilisés. Avec "Prisoner", le groupe cède à la power-ballade au refrain facile avec des chœurs typiques des années 80, mais avec de la réussite, il s'approprie assez bien ce titre de Sue Saad and the Nex.
"Abominog" signe un joli retour affaire pour Uriah Heep qui réussit à s'adapter aux modes du moment tout en gardant sa signature musicale intacte. Box a réussit son pari de faire survivre son groupe et tout laisse à penser qu'il a encore de beaux jours devant lui, en espérant juste que le groupe apporte plus de compositions personnelles sur ses prochains disques.