C'est sans perdre de temps qu'Uriah Heep va proposer son 15ème album studio: "Head First" arrive en effet en mai 1983, à peine plus d'un an après un "Abominog" qui avait signé son retour en forme. L'équipe reste la même autour d'un Mick Box désormais seul maître du vaisseau britannique, cela même si la composition des chansons reste très collective. Cet album va suivre la trace de "Abominog" en accentuant encore plus les aspects FM: le style est dans l'ère du temps et avait réussit au groupe, dès lors il aurait été aberrant de changer la formule magique. De la pochette, très représentative de l'esprit Hard FM de l'époque, à la musique, tout se raccroche à ce style, mais cela colle bien à un Uriah Heep qui a de toute façon été toujours mélodique dans sa carrière. L'album peut en fait être séparé en deux parties: la première est très sucrée avec encore pas mal de reprises, trois titres sur les cinq premiers, très commerciale, et cela fonctionne, même si parfois on frôle les limites du trop calibré radio.
"Stay On Top", "Lonely Nights" et "Love Is Blind" sont typiques de ce son radio, la première avec sa basse largement mise en avant, est même assez funky et dansante, dans l'esprit du "Another One Bites The Dust" de Queen, et seule la guitare de Box nous relie vraiment à l'esprit Uriah Heep. Les deux autres sont plus classiquement FM avec claviers omniprésents, chœurs mélodiques et refrains faciles. Ce sont de belles réussites du genre que n'aurait pas renié Journey. Même "Sweet Talk", composé par le groupe, est purement dans ce style avec juste la guitare de Box bien plus présente et mordante pour faire un parfait contrepoint aux aspects commerciaux un peu trop calibrés.
Malgré tout, ces titres passent bien mais il est heureux que tout l'album ne soit pas fait dans ce moule musical pour éviter l'overdose. La deuxième partie, en restant assez FM, est en effet nettement plus relevée. Elle commence avec un bon instrumental, "Roll-Overture": court et grandiloquent, il donne l'impression de lancer réellement les débats pour les amateurs du groupe. Car avec "Red Lights", "Weekend Warriors" et "Rollin' The Rock", on retrouve un Uriah Heep plus classique. Les deux premières chansons sont particulièrement réussies avec un rythme très rapide, Box se faisant clairement plaisir sur les riffs et les soli. Elles présentent un chant puissant avec un sens de la mélodie qui fait mouche, sans pour autant tomber dans des travers trop FM, et des refrains imparables avec ce petit aspect épique qui fait la différence. Enfin, quand Uriah Heep compose un autre titre calibré radio bien à lui, il y arrive cette fois avec un brio certain: "Straight Through The Heart" est en effet une belle réussite permettant à Peter Goalby de briller avec un grain voilé et éraillé très sympathique.
Faute d'une bonne promotion, "Head First" est un peu oublié de la part du public et même moins bien côté que son prédécesseur. Pourtant, malgré quelques petits écarts surprenants, il reste un album solide et bien travaillé de la part d'un Uriah Heep qui négocie vraiment bien ce virage important de sa carrière. Il mérite d'être redécouvert tant il montre une autre face du groupe et pas la moins intéressante.