Sur "In Search Of The Lost Chord", les Moody Blues reprennent à quelques variantes près les ficelles qu'ils avaient utilisées dans "Days Of Future Passed". Leur album avait plutôt été bien accueilli, pourquoi vouloir modifier une recette qui marche ? "In Search…" prend donc le format d'un nouveau concept-album sur le thème d'une quête principalement spirituelle d'un accord perdu, quintessence de musique, et finalement retrouvé dans le mantra 'Om' du dernier titre.
Sur le plan strictement musical, l'orchestre symphonique a disparu, remplacé par l'abondante utilisation du mellotron et une pléthore d'instruments allant du violoncelle au cor d'harmonie, en passant par le hautbois, le saxophone et le sitar, pour la plupart découverts par les cinq musiciens dans leur studio d'enregistrement. Selon un rite désormais bien établi et auquel les Moody Blues ne vont pas déroger durant plusieurs années, les compositions sont réparties entre chaque membre du groupe, avec de rares collaborations (seul 'Visions Of Paradise' est composé par Hayward et Thomas). Chacun a son style et l'album se transforme en un patchwork de chansons juxtaposées dont les univers sont parfois assez éloignés.
Il est ainsi amusant d'essayer de deviner quel musicien a composé quel morceau. Edge est le plus simple à reconnaître par ses textes déclamés en poésie, le plus souvent par Pinder. 'Departure', un discours un tantinet exalté se terminant sur un éclat de rire, ouvre l'album, ce qui tendra aussi à devenir une tradition du groupe. 'The Word' est lui un récitatif sans musique dont Alice Cooper a du s'inspirer pour 'Black Widow '. Lodge semble très inspiré par les Beatles et les Who et nous sert de jolies mélodies, plutôt simples et très ancrées dans les années 60. Thomas a un style plus diversifié. Si 'Dr. Livingstone, I Presume ?' doit lui-aussi beaucoup aux Who, et notamment à l'humour particulier de John Entwistle, 'Legend Of A Mind' est beaucoup plus complexe, alternant ruptures des thèmes, changements de rythme, tout en conservant un sens aigu de la mélodie agrémentée d'arrangements vocaux sophistiqués. 'Visions Of Paradise' coécrit avec Justin Hayward s'inscrit plus dans la tendance romantico-poétique de ce dernier. Celui-ci signe d'ailleurs trois des six titres de la seconde face avec le titre précité, 'Voices In The Sky' et 'The Actor'. Il renoue avec les mélodies à vous faire fondre, genre 'Nights In White Satin', sa voix langoureuse se révélant d'une redoutable efficacité. Enfin Pinder est en plein trip psychédélique, façon Barrett avec le bizarre 'The Best Way To Travel'. Quant au démodé 'Om', qui a entendu 'Within You, Without You' de George Harrison peut se dispenser de l'écouter tant ce titre semble s'être inspiré de celui des Beatles.
Malgré, ou grâce à ce melting-pot d'influences, l'album est très agréable. Toujours dans la douceur, la musique est souvent un support au chant et les mélodies sont soit optimistes, soit romantiques, soit douces-amères mais jamais agressives. Si certains titres peuvent sembler un peu simples, d'autres ont des structures imbriquées qui nécessitent plusieurs écoutes avant d'être appréhendés. Les différents chanteurs tiennent la route, même si Hayward est un cran au-dessus, et les ensembles choraux sont très réussis. Le disque baigne dans une ambiance psychédélique teintée de naïveté qui pourra paraître désuète aux oreilles d'un auditeur du XXIème siècle. De même, la production est très datée et le côté gentils garçons propres sur eux peut surprendre de prime abord. Néanmoins, si l'on arrive à faire abstraction des outrages que le temps a infligés à cet album, on découvrira ou redécouvrira de bien belles mélodies.