Mal travaillé et perçu, "Equator" a été un échec complet et cuisant, et logiquement, il provoque le départ d'un Peter Goalby qui n'aura pas démérité, John Sinclair (claviers) l'accompagnant dans ce retrait. Cela n'a pas découragé Mick Box qui va chercher Bernie Shaw (Praying Mantis) en tant que nouveau vocaliste et qui repart en tournée dans la foulée avec de grands moments, à Moscou notamment (un live en sortira) et Reading en Aout 1988. Fort de ce retour en grâce scénique, c'est un groupe sûr de lui que l'on retrouve pour son 17ème album: "Raging Silence". Le groupe garde son ton FM mais redevient plus sérieux, dans ses thèmes notamment. On sent que la tournée derrière le rideau de fer a eu un impact, on s'éloigne du fun propre au genre pour s'approcher du son des groupes pop-rock en vogue. Tout cela va nous donner un disque assez bancal, trop taillé pour cartonner auprès du public et qui manque d'un supplément d'âme, malgré un Bernie Shaw très convaincant, au chant plus puissant que son prédécesseur et proche du ton de ses glorieux ainés.
Le disque commence encore une fois avec deux reprises de tubes passés. Sans être mauvaises, "Hold Your Head Up" et "Blood Red Roses" sonnent de manière très impersonnelle et font passer Uriah Heep pour une formation de rock grand public comme il en existe tant. De plus, les arrangements sont très typés années 80 avec des synthés omniprésents assez écœurants où même la guitare de Box est méconnaissable, sonnant comme un mauvais mélange entre Foreigner et Elton John pour les aspects variétés. Malheureusement, la suite, composée par le groupe, ne remonte que rarement le niveau. Uriah Heep a en grande partie perdu son identité et sa capacité à créer du bon Hard FM, pour n'en garder que les aspects gluants, aux claviers notamment. Avec "Voice On My TV", "Cry Freedom", "Bad Bad Man" ou encore "More Fool You" et "Lifeline", on est au bord de la nausée tant le groupe propose une soupe indigeste, digne du pire des radios de cette époque, cherchant à sonner comme un INXS, un Duran Duran ou un Talk Talk. Les rares bons passages de ces morceaux, vocalement surtout, étant noyés dans des arrangements bons marchés. On oubliera aussi rapidement la ballade, "When The War Is Over", gluante et larmoyante, d'un niveau pitoyable, mièvre et avec des chœurs indignes d'une formation comme Uriah Heep.
Les éclairs se font rares et sont finalement très appréciables, car quand Box oublie le côté commercial et proche des modes, il retrouve une certaine aura. "Rich Kid" en particulier, permet à Shaw de montrer l'excellent chanteur de hard-rock classique qu'il est, et le morceau soutenu par un vrai bon riff est une belle réussite, certes très isolée dans le disque, mais qui fait plaisir. Enfin, "Rough Justice" se distingue aussi. Certes, les claviers sont toujours bien présents mais de bonne manière, avec un bon riff et surtout un chant bien hard très efficace, en particulier sur l'excellent refrain, confirmant le talent d'un Shaw assez mal exploité sur ce disque.
Malgré cela, "Raging Silence" reste un disque très faible et mineur pour Uriah Heep. Le groupe perd toute son âme en voulant devenir la nouvelle sensation pop de la bande FM. Ce faisant, il signe un de ses plus mauvais albums, même mauvais dans le genre qu'il cherche à rejoindre. Il reste à espérer que le groupe comprendra rapidement son erreur tant les deux bons morceaux du disque prouvent qu'il a le potentiel pour écrire autre chose que cette musique impersonnelle.