Embauché depuis peu comme claviériste au sein de Pendragon, Clive Nolan, surnommé par ses pairs le magicien des claviers, produit en cette année 1990 un concept-album destiné à être le premier d'une trilogie, accompagné par le fidèle Karl Groom et par celle qui sera révélée au grand monde du prog, notamment par ces deux productions, j'ai nommé la fabuleuse Tracy Hitchings. Regroupé sous un patronyme reprenant le titre d'un célèbre film d'Alfred Hitchcock, le trio (qui sera quatuor pour le deuxième opus) produira en trois ans les deux premières parties de son projet, le laissant en suspens jusqu'à ce jour (sauf à considérer que le projet Caamora, pour la promotion duquel Clive Nolan a réenregistré notamment Sacrifice issu de cette galette, en est l'aboutissement). Après la faillite du label SI Music et une nouvelle réédition chez Verglas, Metal Mind remet enfin à la disposition du plus grand nombre cette œuvre majeure du mouvement néo-progressif dans une version remasterisée pour l'occasion.
Ce premier volume porte très clairement la patte de Clive Nolan, habile trousseur de mélodies aux arrangements soigneusement écrits, aussi bien dans les passages instrumentaux que dans les parties vocales. Sur ces dernières, la voix splendide de Tracy Hitchings est particulièrement mise en valeur, l'accompagnement se résumant le plus souvent à des parties de piano seul. L'artiste peut ainsi faire étalage de toute sa puissance, avec une tessiture très étendue aussi bien dans les graves que les aigus, tandis que ses changements d'intonation collent à merveille aux différentes ambiances portant le concept de l'album. De son côté, Clive Nolan utilise une panoplie très mesurée de claviers : le piano en est le principal intervenant, tandis que quelques synthétiseurs aux accents symphoniques pointent le bout de leur nez, plus particulièrement sur la fin de l'album, mais sans grandiloquence ni démesure. Enfin, Karl Groom accompagne de touches discrètes les deux principaux protagonistes : quelques parties de basse rythmique, une ou deux envolées mélodiques, et diverses saillies guitaristiques, apparaissant en général au second plan.
Tout ceci réuni nous donne un enchaînement de plages plutôt savoureuses, avec une variété de thèmes propre à maintenir tous les sens de l'auditeur en éveil, intégrant habilement toute la dextérité de Maître Nolan aux claviers, sans en faire un exercice de style solitaire. Toutefois, sur la durée, le manque de variation dans l'espace sonore, trop centré sur le duo piano/voix féminine, pourra entraîner quelque lassitude chez ceux pour qui le néo-progressif n'est pas suffisamment porteur de soubresauts en tous genres.
Malgré cette réserve, ce premier effort reste de très bon niveau, et il serait dommage de ne pas profiter de l'opportunité offerte pas cette réédition et risquer de passer à côté d'un des piliers du mouvement néo-progressif ayant suivi la renaissance impulsée par les Marillion et autres IQ, ou Pendragon au milieu des années 80.