Pour leur retour en 2006 après 13 d'absence (quand même !), Kip Winger et sa bande de joyeux drilles nous avaient pondu un album moyen mais qui laissait entrevoir une volonté encore intacte et un potentiel toujours aussi prometteur. Trois ans plus tard, les américains nous reviennent avec la ferme intention de reprendre une place laissée vacante par la force des choses au milieu des années 90. Il est loin l'âge d'or du Haïr Metal et ce 'Karma' n'en transpire pas la nostalgie. Heureusement car la mode est belle et bien révolue. La musique que propose Winger en 2009, tire ses influences de groupe majeurs de la scène Hard Rock de ces 30 dernières années. Ainsi, les premiers titres font tour à tour penser à Kiss, Thin Lizzy ou Aerosmith. Premièrement parce que le caméléon Kip Winger fait à peu près ce qu'il veut de sa voix et permet de varier les ambiances grâce à une tessiture modulable à volonté, et à un éventail de possibilités techniques impressionnant. Deuxièmement car Winger a parfaitement assimilé ces influences pour proposer sa propre signature créative et insuffler à sa musique une énergie communicative et originale.
La première partie de l'album est faite de titres catchy mêlant rythmiques entraînantes, riffs efficaces et refrains imparables (lorgnant parfois vers l'AOR comme sur "Pull Me Under" ou "Come A Little Closer"). Winger nous offre un Hard-Rock sophistiqué et efficace. Puis vient "Supernova", sommet mélodique de l'album. Sur ce mid-tempo soutenu par une basse ronflante à la Def Leppard, Kip délivre une performance de haut niveau, jusqu'à la limite physique de ses cordes vocales en milieu d'exercice. Le solo de Reb Beach est un modèle de technique et de feeling. La mélodie envoutante du refrain vous trottera longtemps dans la tête et ce morceau risque bien de squatter vos playlists favorites pour de nombreux mois. "Supernova" est typiquement le type de morceau qui justifie à lui seul l'achat d'un album. Mais, ici, il n'est pas seul.
Car, si l'on excepte le trop typé AOR "Always With Me", la suite de ce 'Karma' est tout aussi enthousiasmante. Il y a d'abord "Feeding Fenzy" au refrain groovy rappelant les Anglais de Thunder, puis la sublime ballade "After All This Time" . 13 ans d'absence ont inspiré ce blues rempli d'émotion dans la voix écorchée de Kip ou dans le magnifique solo aérien de Reb Beach. "Après tout ce temps": Winger nous dit ici combien il est heureux de revenir sur le devant de la scène. Six minutes trente de pur plaisir. Si l'on occulte l'anecdotique "First Ending" en bonus avec le Digipak, l'album se termine sur "Witness", une ballade plus classique où la voix de Kip est plus posée et soutenue par des nappes de claviers doucereuses. Le -ou plutôt- les soli sont, encore une fois, impeccables de justesse et d'à propos. Un closer idéal pour un album d'une variété surprenante.
C'est une surprise de voir Winger évoluer dans un registre aussi varié. Ils nous avaient habitués à une certaine linéarité dans leurs précédents albums (sauf peut-être sur 'Pull'), mais ce 'Karma' en est l'exacte opposé. L'album, voire le groupe, repose sur la personnalité charismatique de son chanteur et bassiste, Kip Winger (ce n'est pas pour rien que le groupe porte son nom), par conséquent, les passages instrumentaux sont rares. Toutefois, chaque musicien tient sa partie avec sérieux et efficacité, particulièrement Reb Beach qui nous gratifie de superbes soli tout au long de l'exercice. La production est dans la moyenne des standards actuels et permet de profiter pleinement de 45 minutes d'un (Hard) Rock intelligemment écrit et magnifiquement interprété. 16 ans après l'excellent 'Pull', Winger signe un retour gagnant ('IV' en 2006 ne l'était pas). Reste à souhaiter qu'il ne faille pas attendre aussi longtemps pour écouter un nouvel album de cette qualité.