Therion fête cette année ses 25 ans d'existence - hé oui, déjà - et profite de l'occasion pour sortir un album de reprises de chansons françaises, revisitant des oeuvres des 60's et des 70's, interprétées par France Gall, Serge Gainsbourg, Sylvie Vartan, Léo Marjane, Léonie Lousseau, et bien d'autres. Boudé par Nuclear Blast qui a dû estimer le projet trop risqué (ou pas assez bankable), c'est Christofer Johnsson lui-même qui a dû mettre la main à la poche pour permettre la sortie de ce recueil intitulé "Les Fleurs Du Mal". Une version limitée dédicacée accompagnera le groupe sur la tournée Flowers Of Evil 2012.
Manque d'inspiration permettant de temporiser la compo, ou véritable clin d'oeil artistique travaillé, que nous réservent donc ces "Fleurs Du Mal" ?
Hé bien à tous les frileux et autres hâtifs dans leurs jugements, on ne saura que vous recommander de donner toutes ses chances à cet opus. La première écoute peut surprendre (agréablement par moments, moins à d'autres), laisser perplexe, forcer à raisonner sur la position à adopter, ou à prendre parti - réflexion qui n'aboutira pas forcément, soyez prévenus. D'ailleurs, quel album de Therion ne fait pas cet effet ? Ici, les paroles en français, pour nous francophones, sont peut-être le plus dur à passer, avec les thèmes abordés : romantisme, amourettes, etc. - mais thèmes qui sont pour le moins cohérents pour en faire une expérience unique. Pour le reste, laissez-vous porter par la formation qui délivre un contenu de grande qualité. En effet, au fur et à mesure des écoutes, on prend conscience de l'ampleur du travail d'adaptation des versions originales. Tous les ingrédients y sont : grosse production mettant en avant les guitares aux sons bien gras et saturés, double pédale par moments, et bien entendu, les choeurs. Ce sont bien des versions rendues Metal, et les voix magistrales de Lori, Thomas et Linnea sont grandioses, multipliant l'émotion qui se dégage de ces chansons des années 60/70.
'Poupée De Cire, Poupée De Son' est un choix risqué comme chanson introductive, avec son couplet très aigu et ses paroles immédiatement identifiables. Pourtant l'orchestration n'a pas à rougir avec sa rythmique soutenue et le titre parait au final assez fédérateur. 'Une Fleur Dans Le Coeur', originalement interprétée par Victoire Scott, n'a par contre pas grand chose de Metal, à l'image de 'Initials B.B' qui s'en suit, avec une Lori dont la voix suave respecte scrupuleusement l'originale. La guitare au son clair parsemé de quelques saturations monte doucement tout en puissance grâce à une double pédale discrète et des choeurs lyriques. Pour les suivantes, 'Mon Amour, Mon Ami' - superbe balade bien lourde - et 'La Maritza' qu'on ne présente plus, un effort a été fait sur les ambiances et les phrasés musicaux discrets mais soignés. Plusieurs écoutes permettront d'apprécier à leur juste valeur tous les détails. Enfin, Les cordes et instruments à vent sont nombreux sur 'Soeur Angelique' qui en font naturellement une pièce maîtresse.
Projet original et très audacieux, les "fleurs du mal" est clairement un pari réussi, pour un peu que l'on prenne la peine d'y rentrer. L'émotion dégagée par les chansons est immense, accentuée par l'aspect théâtral du groupe (ambiances et choeurs), qui, en plus de rester fidèle à une partie de l'interprétation originale ajoute une touche personnelle salvatrice. Le travail sur les interprétations ne fait aucun doute grâce à la richesse des ambiances et au soin apporté aux détails... Serait-ce les prémisses de leur projet de rock opéra ?
NB : Sur la version limitée distribuée en tournée apparait en titre bonus 'Les Sucettes' - no comment sur le fait qu'elle ne soit pas présente sur la version des distributeurs habituels...