Un mot sur Napalm Records pour commencer, si vous le voulez bien. Longtemps dénigrée par les purs et durs que nous sommes, pour tous les groupes de metal à chanteuse et de Folk Metal à la (dernière) mode qu'elle signait à tour de bras, l'écurie autrichienne se rachète peu à peu une conduite en misant sur le Doom et les (sous) genres gravitant autour. Ahab, Isole, Candlemass, Monster Magnet, Karma To Burn... La liste de ces fils de Black Sabbath grossit d'année en année. Sincère fidélité pour la Sainte Chapelle ou simple attrait du gain à un moment où celle-ci n'a jamais été aussi vendeuse ? Tant que le label continuera à livrer de bonnes hosties, on se moque pas mal en définitive des raisons qui le poussent vers ce style qui, il est vrai, ne déçoit que rarement. Dernière signature en date (pour l'Europe uniquement), The Sword, qui est de retour avec sa quatrième enclume. Warp Riders, sa devancière, ayant parfaitement su corriger les menues erreurs qui entâchaient Gods Of The Earth, Apocryphon était fortement attendu. Qu'a-t-il sous le capot ?
Autant le reconnaître tout de suite, les préliminaires sont mitigés. L'impression d'avoir à faire à un (bon) disque de plus s'impose. La patte velue des Américains est bien là, aisément reconnaissable, du chant de J.D. Cronise à cette façon de tout résumer en cinq minutes montre en main. La recette, à base de gros riffs tannés par le soleil texan, de mélodies plus Heavy que vraiment Doom et d'ingrédients mythologiques, demeure toujours aussi imparable et séduisante. Point de folie et encore moins de magie, néanmoins.
Tel est le constat, en demi-teinte, que laissent les premières écoutes, que les suivantes ne manqueront heureusement pas de nuancer. Conscient, après trois albums, du risque de s'enfermer dans une routine O combien fâcheuse, The Sword a en fait peaufiné ses nouvelles compositions dans les moindres détails. Travail d'orfèvrerie, chaque titre finit par dévoiler son intimité ; ici des claviers épiques digne du Rising de Rainbow comme lors de l'intro de "Dying Earth, morceau par ailleurs alimenté à la NWOBHM, là des touches légèrement bluesy à l'image du pourtant très sabbathien "The Hidden Masters"...
Ce qui frappe à l'écoute de Apocryphon est à la fois cette capacité intacte à galoper à travers de vastes espaces ("Execrator", "The Veil Of Isis" et plus encore le titre éponyme) et à couler les racines texanes, et donc southern Rock, du groupe dans le plomb du Stoner Doom, témoin des pépites telles que "Eyes Of The Stormwitch" ou même "Arcane Montane", sorte d'enfant bâtard né de la copulation à priori contre nature entre ZZ Top (ce n'est pas pour rien qu'une reprise des Barbus, "Cheap Sunglasses" figure parmi les bonus de l'édition limitée) et Black Sabbath (?).
Sans égaler Warp Riders, The Sword signe à l'arrivée un opus plus intéressant qu'il n'y parait car fruit d'un travail d'écriture significatif et d'une origine géographique qui ne contente plus d'affleurer à la surface, abandonnant la mythologie nordique pour une muse plus terreuse.