Vous êtes-vous jamais demandé quelle aurait pu être la destinée de Pink Floyd si Syd Barrett n'avait pas perdu les pédales et avait conservé les commandes du groupe ? Quelle suite les britanniques auraient-ils bien pu donner à "The Piper At The Gates Of Dawn" qui, s'il reste un brillant témoignage de l'ère psychédélique et des dérives musicales entrainées par l'absorption de LSD auquel va succomber Barrett, est bien loin du son auquel on associe habituellement Pink Floyd ? Si ces questions existentielles vous ont un jour traversé l'esprit, "It Is In The Wrong Enveloppe" pourrait constituer une réponse tout à fait plausible.
"It Is In The Wrong Enveloppe" est le premier album de Schober's Cabinet, un garage band dont les membres semblent être nés un demi-siècle trop tard. Entre compositions hallucinées et improvisations totales, le tout enrobé d'une production vintage, nous voici transportés fin des années 60 et invités à (re)découvrir le plaisir vénéneux des paradis artificiels. Tout est d'époque, à commencer par la présence d'un orgue Farfisa dont les sons lancinants font résonner dans nos mémoires l'écho de "The Piper", "Ummagumma" et autres "More". Pour l'accompagner, une guitare souvent nasillarde, parfois acide, et une batterie plus discrète dont la présence s'affirme surtout au travers des vibrations spatiales de ses cymbales. L'album n'est cependant pas entièrement instrumental, quelques titres accueillant un chant faussement détaché rendu inquiétant par le petit grain de folie qui couve.
Si les titres chantés suivent approximativement une ligne mélodique somme toute assez classique, les nombreux passages instrumentaux se partagent entre mouvements cycliques et improvisations expérimentales. Tantôt des boucles hypnotiques de guitare s'enroulent et se déroulent sur un lit d'orgue, de furieux coups de cymbales et de vigoureux roulements de toms. Tantôt les sons sont plus fuligineux ou vaporeux, la guitare s'exprime par couinements pincés, les notes à peine ébauchées s'étiolent dans un lointain fond sonore. Par ailleurs, le son de l'album, enregistré très bas, oblige à pousser le bouton de volume plus que nécessaire tandis que le mixage parfois brouillon réduit la musique à un bruit de fond sur lequel ressortent exclusivement la guitare et l'orgue. Choix esthétique pour mieux restituer l'ambiance d'époque ou faute de moyens techniques suffisants ? Un peu des deux, peut-être.
Les références à l'œuvre de Pink Floyd sont omniprésentes. Dès le titre d'ouverture, on ne peut s'empêcher de penser à 'Apples And Oranges'. 'Peache Preserves' (on reste dans les fruits) rappelle 'Take Up Thy Stethoscope And Walk' à se demander s'il s'agit d'un clone ou d'une reprise et le long 'Tables' est un nouvel 'Interstellar Overdrive'. Hommage ou pillage ? A vous de décider. Si "The Piper" vous a déçu et que le courant psychédélique vous insupporte, passez votre chemin. Si au contraire vous éprouvez une certaine nostalgie de cette époque, voilà probablement un moyen agréable de vous y replongez.