Dennis Haklar, féru à ses heures de musique électronique et de claviers, est avant tout un excellent guitariste de Jazz. Fan de Yes depuis sa plus tendre enfance, il touche également le monde du Rock Progressif à travers certaines compositions. Collaborant avec Jon Anderson depuis plusieurs années et étant l'un des élèves du grand Larry Coryell (contemporain de Mc Laughlin et De Lucia), il n'est donc pas surprenant de le retrouver sur son premier album solo entouré de ces quelques pointures. Menant ce super groupe (au sens premier du terme) Haklar propose avec "Lizard's Tale" un album où c'est bel et bien la musique elle-même qui se trouve au centre du propos, gommant rapidement le nom de chacun au profit d'un ensemble captivant. Et c'est là que soudain la magie opère. Les qualités et forces inhérentes à chacun de ces artistes s'assemblent pour former un ensemble intrinsèquement naturel et évident.
'Lizard's Tale' nous permet de découvrir, à notre grande surprise, une musique aux propos très modernes dans son approche du Jazz. Tranquille, son riff principal est la trame idéale pour l'épanchement des soli tantôt jazzy, tantôt Rock d'Haklar et Coryell, mais aussi du bassiste Mark Egan. Avec un tel démarrage, le groupe place très haut la barre et nous fait saliver pour la suite. Alors pour assurer la transition, ce n'est pas moins que la reprise 'Low Lee Tah', parue originalement en 1974 sur l'album de Coryell "Introducing The Eleventh House" qui déboule dans les écouteurs. Et force est d'avouer que cette relecture, sans faire honte à sa grande sœur, non seulement fait encore rêver mais se trouve très à sa place dans ce répertoire plus moderne.
'Leap Of Faith', venant en troisième place est le premier des quatre titres chantés et très vite, on se rend compte que le rôle de Jon Anderson tient dans cette histoire plus de l'élément mélodique servant l'ensemble que du chanteur à part entière. Intervenant uniquement sur le refrain, sans jamais scander de véritables textes, ses douces vocalises éthérées s'accordent avec grâce au jeu jazzy acoustique d'Haklar. Décidément, la formation épate et enchante. Et puisque nous tenons Anderson, qui apporte ici une véritable plu value et force à la formation, citons de suite 'Prelude To Dawn' tout en quiétude et sur lequel l'intervention du chanteur évoquera à certains ses prestations angéliques de l'album "Fragile" de Yes. Traitant toujours l'aube, 'Dawn Of An Era' place sur le même piédestal la basse jazzy d'Egan (fort présent en début de titre) et les vocalises d'Anderson qui viennent répondre aux douces improvisations de Coryell et Haklar. Sans doute le meilleur moment de l'album après le titre éponyme. Le dernier titre sur lequel figure notre très discret mais indispensable chanteur est 'Crossing Over', une autre douceur à la touche électrique. Les congas mystérieusement complexes du chaloupé 'Angels In Bahia', le sax de 'Swift Messenger' et le joyeux et sautillant 'Jaywalkin' tout en guitare sont d'autres moment fort agréables qui nous conduisent au final 'Naima', reprise de Coltrane éblouissante de classe.
Finalement bien plus moderne, Jazzy, et posé que les souvent cités en influences Mahavishnu Orechstra et Return To Forever, cet album est un véritable régal de tranquillité et de douceur, ponctué ça et là de quelques poussées Prog' bien senties, juste assez pour donner le piment original de l'ensemble sans pour autant verser dans la relecture facile d'une formule usée. Et c'est exactement là, sur ce point de détail, que l'album prend toute sa majesté. Vivement conseillé !