Mark Shelton est un nom qui n'évoquera rien à beaucoup d'entre vous, à moins d'être un vieux con, comme votre humble serviteur, qui aura toujours une tendresse particulière pour Manilla Road, dont l'homme est le chanteur, le guitariste ainsi que l'âme depuis 1977. Malgré un succès inversement proportionnel à l'aura culte qui l'enveloppe désormais grâce à des palettes entières de groupes qui ne cessent de le citer comme influence, à commencer par feu Reverend Bizarre ou The Gates Of Slumber, Manilla Road continue de forger des albums dans une totale indifférence. A sa charge, reconnaissons que ni Voyager ni Playground Of The Damned, pour ne citer que les deux derniers, n'ont vraiment marqué les esprits de ceux qui les ont écoutés.
Fidèle à une écriture et à une prise de son, authentique pour certains mais franchement artisanale pour les autres, dont il ne se départira sans doute jamais, Shelton n'a cependant pas encore épuisé toute son inspiration, comme le démontre Beyond The Boundaries Of Sin, galop d'essai d'un nouveau projet qu'il vient de mettre en branle avec le claviériste E.C. Hellwell. La présence de ce dernier détermine la direction musicale empruntée par la formation dont la partition gravite quelque part entre Manilla Road (forcément) et Deep Purple pour ces claviers que n'aurait en effet pas renié le regretté Jon Lord. Mais, tenant selon son habitudes le micro et la guitare, Shetlon tire avant tout Hellwell vers les terres épiques chères à l'auteur du mythique Open The Gates.
Oeuvre anachronique, n'attendez pas de Beyond The Boundaries Of Sin un brulôt shooté aux amphétamines de la surproduction mais plutôt un album de Heavy à l'ancienne largement supérieur aux récentes offrandes de Manilla Road. Mieux, il s'agit de ce que l'Américain a livré de plus inspiré au moins depuis Atlantis Rising (2001) voire même The Courts Of Chaos (1990). Quand on apprécie le bonhomme, son chant biberonné au Destop, son jeu de six cordes tour à tour accéré ou majestueux et des compositions marquées de son sceau, on ne peut qu'être enthousiaste à l'écoute de ce disque parfaitement écrit, qui culmine lors de la dernière partie du triptyque "Acheronomicon" laquelle, du haut de ses plus de treize minutes au compteur, se pare de voiles arabisants du plus bel effet.
Hellwell est-il destiné à exister sur le long terme ou bien ne dépassera-t-il pas le stade de l'éphémère ? A ce titre, on se souvient encore de The Circus Maximus, groupe avorté de Shelton dont l'unique opus éponyme est finalement devenu le successeur de The Courts Of Chaos...