Sur chacun de ses 5 premiers albums, Blind Guardian a montré un certain intérêt pour les histoires médiévales. La chose était encore plus vraie sur "Somewhere Far Beyond" et "Imaginations From The Other Side" où les talents de conteur du groupe prenaient une place de plus en plus importante. C'est très logiquement que l'univers du groupe allemand va rencontrer sur ce 6ème album l'univers d'un des maîtres de l'heroïc-fantasy. Et pour permettre à Hansi Kürsch de se concentrer sur son chant il est fait appel à Olivier Holzwarth pour tenir la basse.
Car "Nightfall In Middle-Earth", fruit de plus de 6 mois de travail entre 1997 et 1998, est un album concept basé en 22 pistes sur l'histoire du Silmarillion de J.R.R. Tolkien. De ce sujet complexe, l'histoire de l'ensemble étant fouillée et pas forcément évidente à lire, Blind Guardian va tirer un album formidable d'aisance, de musicalité et d'intelligence d'écriture. Car malgré une longue durée, plus de 65 minutes et 11 interludes pour relier les temps de l'histoire, jamais le groupe ne se perd en longueur et ne propose de faiblesses ou de temps morts. Ce disque confirme la tendance power-metal empruntée depuis peu avec un grand souci de la mélodie imparable, du refrain facilement assimilable, et avec des riffs moins speed mais tranchants et très bien écrits. Il en ressort un album indispensable, sans doute le meilleur du genre jamais sorti avec, sur ses 11 titres, nombre d'immenses morceaux épiques, tubes en puissance démontrant une force d'écriture au sommet de son inspiration.
Avec "Into The Storm", "Nightfall", "Time Stands Still" et "Mirror Mirror", se dégagent 4 immenses titres de métal mélodique dans lesquels on ressent vraiment à chaque instant la puissance de l'histoire contée. Sur ces chansons, la facette épique de Blind Guardian est à son paroxysme. Le refrain de "Time Stands Still" est un modèle du genre, tandis que "Into The Storm" prend aux tripes par sa puissance et sa mélodie imparable. Quant à "Nightfall" et "Mirror Mirror", ce sont des modèles du genre en matière de chœurs et d'harmonies vocales de toute beauté. Il faut ici souligner la classe d'Hansi Kürsch: ce dernier a encore progressé et nous fait vivre avec un immense talent l'histoire des terres du milieu lors du premier âge, se faisant puissant, mélodique, doux et narrateur avec une facilité déconcertante.
Les autres chansons ne sont pas en reste et, sans être de tels classiques, s'imposent aussi comme de grands moments. Ces titres sont plus sombres et mélancoliques et "Blood Tears", "Noldor (Dead Winter Reigns), "The Curse Of Feanor", "When Sorrow Sang", "The Eldar", et le final "A Dark Passage", sont de petites pépites qui se révèlent au fur et à mesure des écoutes et qui donnent au concept toute sa force et son âme. Ces chansons, fortes en intensité dramatique, présentent, elles aussi, de nombreux changements de rythmes, passant du médiéval au heavy avec nombre de passages orchestraux et progressifs sur lesquels les claviers sont à l'honneur. Enfin, les petits interludes, rarement plus de 30 secondes, sont de parfaits fils conducteurs entre chaque titre, faisant plonger pleinement dans l'histoire avec passages parlés et autres bruits de batailles.
"Nightfall In Middle-Earth" est le disque référence de Blind Guardian, celui qu'on le voyait capable de réaliser dans nos rêves les plus fous. En mêlant métal mélodique, heroïc-fantasy, passages symphoniques et épiques, il recrée musicalement un univers féérique et rend le plus beau des hommages à Tolkien. Sommet d'une carrière, cet album est un chef d'œuvre absolu qui n'a pas pris une ride et que l'on conseillera à tous les amateurs de métal orchestral et mélodique.