Jusqu'à ces derniers jours, ma connaissance de la musique d'Echolyn se limitait à leur troisième album, As the World, paru il y a déjà 17 ans en pleine vague néo-progressive sur un des labels de référence du mouvement (Cyclops), et dont le moins que l'on puisse dire est qu'il ne m'avait pas laissé, à l'époque, de souvenir impérissable. Question de contexte probablement. Aussi, c'est avec quelque circonspection que j'entamai l'écoute de la dernière production du groupe américain, présentée sous la forme d'un double album singeant un format vinylique à quatre faces.
Dès les premières mesures de Islands, mes réticences vont sauter d'un seul coup, au rythme d'un progressif jouissif à chaque instant. En un peu plus de 16 minutes, le groupe mené par Brett Kull va nous asséner tout ce que le fan de musique progressive est en passe d'attendre de son style de prédilection. Tout d'abord, une virtuosité insolente de chaque instant, permettant la mise en place de lignes rythmiques complexes, nourries au contretemps et autres changements de mesure incessants, qui jamais ne s'avèrent perturbants. Les thèmes mélodiques ensuite, qui se croisent et se recroisent, emmenant l'auditeur dans un confort relatif pour mieux le faire rebondir ensuite dans un tourbillon progressif endiablé, et le tout sans que la musicalité n'en pâtisse. Du grand art assurément, Echolyn maîtrisant à merveille le contrepoint, enjolivé par des harmonies vocales judicieuses. Enfin, et là se trouve probablement le plus grand mérite de cette première pièce, cette longue suite s'avère certes complexe, mais en restant d'une accessibilité hors norme pour ce type de morceau épic.
Après une telle entame, le soufflé pourrait quelque peu retomber, mais il n'en est rien. Que ce soit pour une courte ballade un temps popisante mais aux arrangements classieux (Headright) ou pour un autre monument progressif (Some Memorial), cette première galette se révèle d'une extraordinaire qualité, mûrissant écoute après écoute pour révéler tous ses atours.
La deuxième partie de l'album nous propose des compositions un peu moins flamboyantes, globalement plus calmes, mais tout aussi passionnantes. Abandonnant les accents jazzy des productions précédentes, et se voulant peut-être un peu plus consensuel, Echolyn explore d'autres territoires, d'autres directions. L'aspect progressif se décline alors en blues (Past Gravity) ou prend de nombreux accents symphoniques, avec la présence remarquée (et remarquable) d'un quatuor à cordes (Speaking in Lampblack), prélude à des chorus puissants et vertigineux.
Une fois ces 70 minutes de bonheur auditif ingurgitées, vous n'aurez plus qu'une envie, celle de vous repaître encore et encore de ce festin progressif. Incontestablement, cet album marquera l'année 2012. Quant à moi, ayant la sensation désagréable d'avoir raté quelque chose, je vais de ce pas me replonger dans les productions antérieures du groupe.