Est-ce le visuel de Chasing Shadows, sa troisième prophécie longue durée, au souffle apocalyptique ? Est-ce son nom dont les mots sont accollés les uns aux autres en un seul bloc compact ? Est-ce la durée de ces nouvelles saignées dont la plupart oscillent entre six et huit minutes ? Mais il y a quelque chose de massif, d'incroyablement dense chez Asidefromaday.
Bien sûr, il n'est pas le seul auquel on prête ce caractère, surtout dans ce créneau Post-Hardcore pas vraiment réputé pour une légèreté de ton et par ailleurs aussi encombré qu'une rame de métro parisien à l'heure de pointe, il n'en demeure pas moins qu'une puissance souterraine digne de plaques tectoniques qui se chevauchent rarement entendue depuis The Eye Of Every Storm de Neurosis gronde sous ce magma intense et beau à la fois.
Asidefromaday pourrait n'être qu'un rejeton de plus des Isis et autre Cult Of Luna et Chasing Shadows, une rondelle de plus. Ce qu'ils ne sont pas, ni l'un ni l'autre. A cela, une première raison : cela fait plus de dix ans que les Français (de Besançon, pour être précis), martèlent du Post-hardcore, matériau qu'ils façonnent, explorent, concassent pour aboutir à une oeuvre de plus en plus personnelle bien qu'elle ne se soit pas encore totalement affranchie des influences qui la sous-tendent. Fort de plusieurs albums remarqués et d'une participation quasi obligée à l'ensemble de compilations Falling Down, le groupe possède l'expérience requise pour penser son art. Le fait qu'il prenne son temps entre chaque nouveau geyser participe de cette maturité en même temps que d'une maturation parfaitement refléchie.
Découlant de cette reflexion et de cette connaissance du genre, Chasing Shadows est tout du long travaillé au corps par des éléments, des détails qui viennent perturber une grille d'écoute sans lesquelles celle-ci n'aurait peut-être été que trop basique. Dès "Process Of Static Movement", on note que le paysage n'est pas tout à fait le même que d'habitude. Le chant qui éructe est là, de même que les guitares massives dressant une turgescence épaisse mais il y a ces nappes de claviers qu'on n'attendait pas dans ce décor dévasté et ces breaks pétrifiés, mortfières. Loin de se contenter d'un rôle de figurant, les synthés forment au contraire un des piliers du son d'Asidefromaday en cela qu'il lui permettent de décupler sa force émotionnelle ("Wolf's Tears Are Falling Stars"), traversant l'album d'un bout à l'autre, perçant sa carapace terreuse d'un brouillard d'ambiances chargées de tristesse.
Grâce à Chasing Shadows, les Français ont gagné leur sésame pour la cour des grands.