Une fois n'est pas coutume : commençons cette chronique par un avertissement. Vous ne connaissez pas Led Zeppelin ou n'en avez que vaguement entendu parler ? Alors arrêtez là votre lecture et allez vite combler cette lacune, confinant à la faute de goût, en écoutant rapidement la discographie intégrale de ce groupe fabuleux. Cette chronique ne vous concerne pas !
Voilà, à partir de ce paragraphe, nous ne devrions être qu'entre initiés, mi-impatients, mi-anxieux de partir à la découverte du dernier Led Zep, l'enregistrement d'un unique concert donné à l’O2 Arena en 2007, à la mémoire d’Ahmet Ertegun, le patron d’Atlantic Records, soit 27 années après la séparation officielle du groupe, et qu'il aura fallu attendre cinq ans avant que le groupe ne se décide à en faire un film, un DVD et un double CD. Pas de quoi se plaindre, il avait bien fallu attendre trente et une années avant que "How The West Was Won" ne retrace leurs concerts de 1972 ! Vous êtes prêts ? Alors, fermez les yeux et suivez le guide...
Le choix du premier morceau est emblématique : 'Good Times, Bad Times' est en effet le premier titre du premier album de Led Zeppelin. Tout un symbole ! Arrivé à la fin du morceau, on se dit quand-même qu'il y a un je-ne-sais-quoi qui cloche. Ce n'est qu'un tour de chauffe pour les doigts de Page, la basse de JP Jones ronronne bien et Jason endosse crânement le rôle de son père, à croire que chez les Bonham martyriser les fûts est une tradition familiale. Le léger malaise ressenti vient de Plant qui s'est sobrement cantonné dans le médium durant tout le titre, à se demander s'il est encore capable de monter dans les aigus. Fort heureusement, ces craintes sont vite dissipées avec 'Ramble On' et 'Black Dog' sur lesquels Robert se chauffe la voix et prouve qu'il est encore capable de quelques prouesses, même s'il n'atteint plus les notes suraigües de sa jeunesse.
Il aura suffit de trois titres pour que le groupe prenne confiance et renaisse de ses cendres. Inutile de détailler la suite, vous connaissez la setlist qui reprend les grands standards à de rares exceptions près ('Achille's Last Stand' n'aurait pas été pour déplaire). Led Zep fait honneur à sa réputation et ne trahit pas ses compositions par une interprétation aléatoire ou minimaliste. Page n'a rien perdu de sa surprenante dextérité et met toujours autant d'âme dans ses solos, une qualité dont bon nombre de virtuoses de la 6 cordes devraient prendre de la graine. Tour à tour volubile, chantante, grinçante, lyrique ou stratosphérique, sa guitare est incontestablement la vedette de ce show. Jones assure les fondations d'une basse profonde et véloce, quand il ne la délaisse pas pour passer derrière les claviers. Et au paradis des batteurs, Bonham père applaudit sûrement des deux mains la prestation de son fils qui ne ménage pas ses efforts pour se hisser au niveau de son géniteur. Enfin, Plant, peut-être le moins fringant des quatre, compense astucieusement ses petites faiblesses et permet à la magie de s'installer au fil de l'écoute, les miracles de la technique faisant le reste (il a avoué de légères retouches sur 'Kashmir' pour compenser ses problèmes de souffle). L'impensable se réalise et les quatre compères jouent avec une complicité qui transparaît à l'écoute, transmettant leur bonheur de jouer ensemble à l'auditeur conquis.
Certes, "Celebration Day" ne saurait rivaliser avec "How The West Was Won". Difficile d'avoir, à plus de soixante ans, la même fougue, de dégager la même énergie qu'à trente. Mais le plaisir est bien réel. Comment s'empêcher de frissonner à l'écoute de 'Kashmir', 'No Quarter' ou de l'incontournable 'Stairway To Heaven' ? Ce disque est peut-être le témoignage du dernier concert du Zeppelin et il serait dommage de ne pas l'acheter. Et s'il prenait l'envie à Led Zeppelin de lui donner un successeur, vous en aurez de toute manière pour votre argent.