Un an après le dramatique décès de Randy Rhoads, Ozzy est de retour avec une nouvelle offrande studio. Brad Gillis, qui officiait sur le live "Speak Of Evil", a finalement décidé de rejoindre définitivement Night Ranger, mais le seigneurs des ombres n'a pas tardé à lui trouver un remplaçant en la personne du jeune prodige Jack E. Lee, débauché au sein de Mickey Ratt (qui plus tard deviendra Ratt …). Complétant le désormais traditionnel jeu des chaises musicales au sein de la formation accompagnant le madman, Bob Daisley a repris sa place au dépens de Rudy Sarzo parti rejoindre Quiet Riot, prouvant au passage que le monde est petit puisque c'est dans ce même combo qu'Ozzy avait repéré Randy Rhoads à l'époque.
Qu'attendre de l'ancien frontman de Black Sabbath alors que celui-ci a été profondément affecté par la disparition de son complice guitariste et qu'il continue à se vautrer dans l'alcool et la drogue ? Pas grand-chose à priori, sauf qu'Ozzy est un cas à part, défiant les lois de la médecine, continuant à trouver l'inspiration au plus profond de sa douleur de vivre et profitant d'un entourage sachant tirer le meilleur de sa souffrance pour en faire une réussite artistique et commerciale. Ne négligeant pas les évolutions musicales à la mode, ce "Bark At The Moon" continue à développer une imagerie diabolique et malfaisante, adoucie par une ambiance plus gothique, et désormais renforcée par des éléments plus mélodiques, le jeu de Lee délaissant les éléments néo-classiques de Rhoads pour les remplacer par une approche plus Hard-Rock, alors que les claviers de Don Airey se font plus prégnants.
Encore une fois, le résultat est à la hauteur, Ozzy et sa bande accouchant d'un nouvel album référence malgré ses évolutions, le chant nasillard du madman restant l'incontournable pierre angulaire des productions estampillées de son patronyme. Le démarrage se fait sur les chapeaux de roue avec deux titres incontournables aux riffs et refrains imparables. A la puissance mélodique de "Rock'n'Roll Rebel", le titre éponyme ajoute les hurlements démoniaques qui traduisent toute la folie à la fois inquiétante et attachante du chanteur. Le Heavy se veut majoritairement mélodique, se drapant d'angoissants éclairs de claviers ("Now You See (Now You Don't)"), d'une introduction gothique propice au recueillement avant d'accélérer et de se faire cinglant et enflammé ("Forever"), ou se faisant sombre et désespéré ("Waiting For Darkness"). Le quintet se lance également dans une belle balade avec piano et violons au refrain émouvant ("So Tired"), émotion également palpable sur le mid-tempo "You're No Different", alors que la dernière originalité vient d'un "Spiders" aussi torturé et rampant que les sales bestioles dont il porte le nom.
En faisant évoluer sa recette, Ozzy Osbourne réussit à se maintenir au niveau d'exigence que ses 2 premiers albums ont fait naitre au sein des fans de son Heavy aussi sombre que mélodique, attachant bien que torturé. "Bark At The Moon" s'impose comme un nouvel album incontournable permettant de découvrir un petit génie de la six-cordes qui marque déjà quelques compositions de son empreinte. Il est également à signaler que l'ordre ainsi que l'appellation de certains titres changeront à l'occasion des différentes rééditions de cet opus, "Forever" étant parfois intitulé "Center Of Eternity", et "Spiders", "Spiders In The Night".