En l'espace de quatre ans à peine, Winterfylleth s'est forgé une aura de conquérant, du reste, tout à fait méritée. The Ghost Of Heritage puis The Mercian Sphere l'ont imposé, aux côté de Wodensthrone, Fen ou Altar Of Plagues, comme chef de file du renouveau du Black Metal de la Perfide Albion. Un Black Metal dont les racines s'enfonçent dans la terre ancestrale, dans cette angleterre païenne sombre et brutale résonnant au son des armes trempées dans le sang et la roche. Qu'on retrouve parmi ses membres des musiciens expérimentés, en l'occurrence Chris Naughton et Simon Lucas, frères d'arme au sein d'Atavist et désormais également Ashes qu'ils ont rejoint depuis peu, explique cette réussite. C'est pourquoi The Threnody Of Triumph était attendu comme un messie séculaire.
Mais celui-ci déçoit en confirmant le polissage du son à l'oeuvre depuis son prédécesseur. Winterfylleth a perdu en chemin son âpreté minérale en même temps que la magie qui auréolait sa première offrande, sans oublier une personnalité qui s'est peu à peu dilluée, comme son beau visuel l'illustre, dans une influence "Drudkhienne" qui fait parfois plus qu'affleurer à la surface ("A Soul Unbound", très bon titre au demeurant et un des plus beaux de cette nouvelle épopée ).
De là à dire que le groupe s'est mué en une machine de guerre sans âme, il y a bien entendu un pas que nous ne franchirons pas (encore). Il n'empêche que ce troisième album, s'il ne saurait susciter la moindre réserve quant à ses qualités tant d'écriture que d'interprétation, souffre par moment d'une trop grande linéarité et d'une émotion aux abonnés absents. Trop long, il ne peut étouffer le (très relatif) ennui qui le guète durant sa seconde partie ("The Fate Of Souls After Death", "The Threnody Of Triumph"), cependant que les claviers tendent à prendre une importance (trop) grandissante, place qui vide le Black Metal des Anglais de cette fureur granitique qui les caractérisait à leus débuts. Sans doute en attendions-nous trop.
Notre soif se voit néanmoins rassasiée par une poignée de compositions grandioses dans leur expression d'une puissance ferrugineuse. Citons "A Thousand Winters" ou le plus ramassé "Void Of Light", dans un registre plus véloce mais qu'irriguent toujours ces riffs rocailleux, ou bien encore ce "A Memorial" où l'accent est mis sur les ambiances majestueuses sans que le tempo ne s'en trouve pour autant freiné.
Au final, s'il n'est pas aussi réussi que nous l'aurions souhaité, The Threnody Of Triumph demeure un cru solide et plus riche qu'il n'y paraît car ne dévoilant pas ses trésors intimes dès la première écoute. Ce faisant, il maintient ses auteurs largement au-dessus de la concurrence de plus en plus âpre dans ce créneau Pagan et atmosphérique. Ce n'est pas peu dire.