S'il existe bien un défaut que les deux Roman, Saenko et Blagih (Thurios) ne possèdent pas, c'est la paresse. Pas une année en effet, entre leur projets communs ou séparés (Dark Ages pour le premier, Kladovest pour le second), sans que leur semence se répandent (ou non) dans nos conduits auditifs. Chapeau bas donc, d'autant plus que la qualité est (presque) toujours au rendez-vous.
Mieux, on a même l'impression que les deux frères d'arme ont trouvé avec le bassiste Krechet et le batteur Vlad, les pièces qui manquaient à leur oeuvre, ces derniers faisant partie de tous les groupes qu'ils ont en commun. Cet équlibre, cette alchimie même, expliquent -entre autres - sans doute ce stakhanovisme facilité par la complicité des quatre musiciens. Autour de Drudkh, pivot de leur activisme, bourgeonnent ainsi depuis l'arrêt de Hate Forest, nombre de projets qu'ils butinent à intervalles irréguliers. Après Blood Of Kingu (deux albums) et le décrié (on se demande toujours pourquoi) Tales Of Wanderings de Old Silver Key, Rattenfänger vient aujourd'hui enrichir la besace ukrainienne.
Album de plus dans la carrière de Drudkh, Eternal Turn Of The Wheel a su toutefois, en négociant un retour aux sources à moitié convaincant, rassurer ceux que Microcosmos, Handful Of Stars et le premier essai de Old Silver Key ont déçu. Epistolae Obscurorum Virorum vient confirmer la bonne santé de ses auteurs qui sont loin d'avoir encore tout dit. Point de Black Metal à l'horizon cette fois-ci cependant mais un Death Old-School dont on sait depuis la reprise en live par Hate Forest du "Cenotaph" de Bolt Thrower qu'il n'a jamais été pour déplaire à Roman Saenko.
Coulant le genre dans une atmosphère sombre et médiévale, celle du bas Moyen-Age qui a déjà servi de cadre à la Dark Ambient lugubre de Dark Ages, Rattenfänger sculpte au burin huit titres (dont l'habituel introduction) sinistres à souhait avec cette puissance obscure et minérale venue du fond des âges. Il est clair que le Death rampant et plombé sied bien davantage aux Ukrainiens que le Post-Rock alcestien de Old Silver Key.
Chant de gargouille qui gronde, riffs granitiques, assise rythmique qui claque et claviers mortuaires figent des ambiances morbides et glaciales qui font plaisir à entendre de la part de musiciens dont on commençait quand même à douter un peu de leur capacité à distiller toujours autant de noirceur.
Epistolae Obscurorum Virorum en apporte le froid démenti, opus bouillonnant d'une brutalité austère et organique digne de celle libérée en son temps par Hate Forest, en moins rapide bien entendu, ces titres étant englués dans une terre boueuse charriant cadavres et maladies pestilentielles. L'album est avalé par une frissonnante obscurité, celle de ces temps reculés où le monde occidental semblait vouloir basculer dans tous les fléaux, dans l'apocalypse. Un très bon disque.