"Roots Project" est le premier album du groupe grenoblois Symetry qui s’articule autour du guitariste Ben Barutel et comprend Chloé Della Valle (basse), Kévin Devas (guitare), Matthieu Budin (batterie) et Ahn Tuan (claviers). S’agissant d’un album progressif et instrumental, le défi est difficile à relever pour d’une part présenter quelque chose de nouveau, d’original et d’autre part pour tenir en haleine l’auditeur.

Disons le d’entrée le pari est presque gagné. L’ambiance générale renvoie indubitablement aux films de série noire. Dès ‘Roots intro’, les cordes nous plongent dans une atmosphère inquiétante, lugubre et cinématographique. On s’attend à voir défiler des images crépitantes en noir et blanc dans un vieux ciné de quartier style art et essai mettant en scène une vieille maison isolée ou une triste banlieue plongée dans la nuit emprunte d'un inquiétant silence. Peu avant ’Roots I’, lorsque les violons accélèrent, pourrait débarquer une silhouette en pardessus et chapeaux élimés prête à commettre je ne sais quel méfait. Ça, c’est pour l’ambiance générale.

Au fil de l’album, des rythmiques et des riffs clairement signée metal progressif ressortent pour interrompre les mélodies lancinantes de Ben Barutel. Le travail de la basse est fondamental et paraît suffisamment simple pour mettre en avant l’aspect mélodique. Toutefois, un énorme travail rythmique est assuré par Chloé Della Valle. La musique est souvent de type fusion, peut-être parfois jazzy et apporte toujours un grand soin à l’ambiance. Elle est assez technique mais ne se perd jamais dans la démonstration, portant fièrement des mélodies captivantes voire envoûtantes. ’Roots III’ et ’Roots IV’ enfoncent un peu plus le clou métallique avec insistance et sens de l’à-propos avec cependant quelques passages plus calmes frisant presque l’électro.

Il faut aussi souligner la cohérence de l’ensemble. Le clavier participe pleinement à la musique du groupe même s’il est souvent discret. ‘Roots V’ est encore plus expérimental avant de laisser place à une longue plage silencieuse révélant une pièce au clavier dans une piste cachée en final. C’est l’occasion de voir l’excellent niveau d’Anh Tuan.

Je disais que le pari n’était que presque gagné car, même si les mélodies sont présentes, même si l’atmosphère générale est superbe, même si « Roots Project » n’est pas démonstratif, l’album reste assez exigeant. La première écoute peut laisser un peu de marbre au-delà de l’introduction et des mélodies captivantes de la guitare un brin répétitives. Gardons à l’esprit qu’il s’agit d’un album assez expérimental qui est sans doute destiné à nous immerger dans une onde sombre et subtile. Ne perdons pas de vue la grande cohérence du propos alors que souvent les premiers albums vont dans tous les sens. Dans ce contexte, le résultat est vraiment réussi car en insistant un tant soit peu, Symetry révèle une grande maîtrise et une inventivité foisonnante qui laissent présager d’un avenir radieux tant que l’inspiration sera au rendez-vous. Et dans ce « Roots Project » l’inspiration est belle et bien là.