C'est dans l'Est de l'Angleterre, dans le Suffolk, que Cradle Of Filth voit le jour en 1991, sous l'impulsion de Daniel Lloyd Davey, qui se fait appeler Dani Filth, et du guitariste Paul Ryan. Ils sont rapidement rejoints par Paul Allender, 2ème guitariste. Après quelques mouvements de personnels, trois démos (entre 1992 et 1993) et même un album, "Goetia", qui n'a jamais vu le jour après la faillite de leur label, que le groupe propose son premier album officiel, "The Principle Of Evil Made Flesh", en Février 1994.
La formation de Dani propose un black métal teinté d'un peu de death, mais surtout va y ajouter une touche gothique, romantique, et montrer un attrait certain pour le vampirisme et l'occultisme en général, avec un gout prononcé pour un lyrisme poétique dans les paroles. Le black de Cradle Of Filth s'éloigne ainsi des racines du genre pour en donner une version accessible, atmosphérique et symphonique, avec des influences allant du thrash à la Slayer, au heavy métal classique proche d'Iron Maiden pour les guitares. Le groupe fera hurler les puristes mais ce faisant, il va se créer rapidement une forte personnalité, à l'image de son logo, très réussie, et de sa pochette, sensuelle, sanglante et provocante. Malgré tout, ce premier album est loin d'être parfait: il souffre d'une production très médiocre qui peine à mettre en valeur le chant criard et hurlé de Dani, et manque cruellement de puissance au niveau des guitares et de la batterie. De plus, les sons de claviers sonnent un peu cheap, faisant un peu ressentir la jeunesse des intervenants et leur manque d'expérience.
Malgré cela, en faisant abstraction de ses défauts, on découvre un disque très attachant, sombre, romantique, violent, poétique et empreint d'une certaine décadence et d'une fraicheur qui lui donnent un charme indéniable. Construit autour de 7 titres et 5 interludes, le disque propose plusieurs très bons morceaux qui, malgré les défauts, se révèlent être de petites pépites. Ainsi, "The Forest Whispers My Name", "The Black Goddess Rises", "Of Mist And Midnight Skies", "To Eve The Art Of Witchcraft" et "Summer Dyning Fast", sont d'excellents morceaux qui installent une atmosphère prenante. Les chansons alternent passages brutaux, avec les vocaux criards de Dani, passages au piano purement gothiques, et passages musicaux heavy-thrash qui achèvent de construire un édifice à part dans le paysage musical extrême. S'y ajoutent quelques voix graves et profondes et d'autres féminines douces mais inquiétantes qui confirment que Cradle Of Filth possède ce truc à part qui fait les grandes formations. Les interludes contribuent à nous plonger dans une ambiance de vieux film d'horreur des années 30: avec "One Final Graven Kiss", "Darkness Our Bride" ou encore A Dream Of Wolves In The Snow", le groupe cimente les murs de son univers glauque et pourtant si attirant.
"The Principle Of Evil Made Flesh" possède, malgré ses défauts, tous les charmes de ce qui fait la force d'un 1er album studio. Cradle Of Filth a cette robustesse et cette fraicheur emblématique de la jeunesse. Avec ce disque, il frappe un coup assez fort dans le milieu black métal et ne laisse que peu de choix: ou on l'aime ou on le déteste. En tout cas, la suite de ses aventures sera attendue avec impatience tant on comprend rapidement que l'on tient là un diamant brut qui, une fois bien poli, pourra prétendre devenir un des maitres du métal extrême.