Alors que la carrière de Red Jasper ne décolle pas vraiment, la signature du groupe sur le label progressif phare du moment, SI Music, va lui offrir une audience élargie, et notamment des possibilités de tournées aux côtés de Pallas ou en compagnie de Clive Nolan et Shadowland. Nos Anglais vont alors mettre cette occasion à profit pour finaliser un projet en deux parties, basé sur l'œuvre du plus british des écrivains, Sir William Shakespeare. Le premier volet, A Midsummer Night's Dream, paraît ainsi en 1993, et est aujourd'hui réédité en version remastérisée, agrémentée de deux titres live en bonus.
Conçu comme un concept, cette première partie inspirée par Shakespeare s'articule autour de deux véritables sonnets, ceci en respectant tant le rythme que la forme littéraire. Musicalement, les titres proposés par Red Jasper développent désormais une véritable ambition progressive, beaucoup plus apaisée que sur les premiers opus, avec toujours cette couleur particulière amenée par la mandoline, très présente, et les flûtes irlandaises. De même, aux côtés des éléments rock, sont également présents de nombreux passages ouvertement folkloriques, inspirés par différents traditionnels britanniques. L'alternance est judicieusement gérée, notamment dans la suite Dreamscape où les ritournelles viennent de manière récurrente lier les différentes parties entre elles.
Le trop-plein d'énergie qui rendait parfois irritantes les productions précédentes du groupe, est désormais canalisé, n'empêchant pas quelques 'cavalcades' enjouées mais trouvant parfaitement leur justification, et donnant surtout une place magnifique à la voix chaude et profonde de Davey Dodds. Les deux Sonnet resteront ainsi en mémoire de chaque auditeur, qui suivra bien entendu les recommandations d'usage : Use your eyes to listen and ears to see, come with me to the heart of the country (le dénouement sera sur le prochain album !). Un dernier mot enfin sur la production qui s'avère un parfait modèle d'équilibre, ajoutant encore à l'impression de bien-être qui découle de l'écoute de cet album.
A tous ceux qui, parfois à tort, parfois à raison, ne considèrent le néo-progressif que comme une mauvaise collection de daubes insipides et passées d'usage, nous ne saurions que trop conseiller de (re)découvrir Red Jasper, par le biais de la réédition de leurs trois albums magiques, et notamment celui-ci. Pour ceux qui, comme votre serviteur, avaient un peu tendance à leur laisser prendre la poussière sur les étagères, je vous prédis le même bonheur que celui qui a été le mien lors de ces nouvelles écoutes.