Electric Light Orchestra n'a jamais été un groupe particulièrement excentrique. Si l'on excepte quelques titres atypiques de leur premier album, essentiellement dû à l'influence de Roy Wood, leur musique est plus souvent mélodieuse qu'aventureuse, même si elle tutoie parfois timidement le rock progressif. "Eldorado" marque un net tournant, le groupe sacrifiant une grande partie de son originalité au profit de mélodies sensiblement simplifiées. Avec "Face The Music", il enfonce le clou, délaissant même la structure du concept-album utilisée sur le disque précédent pour aligner huit chansons indépendantes et dont la durée est propre à satisfaire la station FM la plus exigeante.
Mais si ELO verse de plus en plus dans un pop-rock calibré et facile (ou tout du moins qui en a l'air), cela ne signifie pas pour autant que la qualité n'est pas au rendez-vous. Lorsqu'ils créèrent le groupe, Roy Wood et Jeff Lynne voulaient reprendre l'œuvre là où les Beatles l'avait laissée. Sans aller jusqu'à dire que Lynne égale ses modèles, on peut lui reconnaître un don pour composer des mélodies soyeuses dont la simplicité apparente permet une mémorisation aisée et un plaisir immédiat. Même les titres les plus faibles ('Strange Magic' manquant un peu d'énergie, 'Down Home Town' et son rock sudiste) s'écoutent avec plaisir et on se surprend à en fredonner l'air machinalement. Plaisir décuplé sur les titres plus ambitieux : l'instrumental contrasté 'Fire On High', le dansant et tubesque 'Evil Woman', l'électrique 'Poker', ou encore les féériques et très romantiques 'Waterfall' et 'One Summer Dream'.
Comme sur "Eldorado", ELO s'est adjoint les services d'un orchestre. Mais cette fois, il est bien mieux utilisé, donnant quand il le faut une ampleur et un moelleux par le legato des cordes sans noyer l'auditeur dans la guimauve, comme c'était parfois le cas sur l'opus précédent. Outre l'orchestre, le groupe conserve son trio de cordes, Melvyn Gale remplaçant Mike Edwards au violoncelle. Mike de Albuquerque, lui, a cédé sa place de bassiste à Kelly Groucutt. Ce dernier chante également sur 'Poker', ce qui n'est peut-être pas la meilleure idée que le groupe ait eue. Sa voix, pas désagréable au demeurant, ne saurait rivaliser avec le timbre de Jeff Lynne. Celui-ci, de plus en plus à son aise, se laisse parfois aller dans des aigus extravagants, notamment sur les chœurs toujours aussi nombreux. Autres fantaisies que le groupe se permet, un court emprunt au 'Halléluia' d'Haendel ('Fire On High'), une reprise de l'hymne sudiste américain 'Dixie's Land' ('Down Home Town') et l'utilisation répétée de phrases vocales ou musicales enregistrées à l'envers ('Fire On High', 'Evil Woman', 'Down Home Town') en guise de pied de nez aux accusations de satanisme portées sur 'Eldorado' (une phrase de cette chanson écoutée à l'envers deviendrait une apologie de l'Antechrist !).
Avec juste ce qu'il faut de facéties saupoudrées sur ses somptueuses mélodies, "Face The Music" s'avère être un album particulièrement agréable, léger sans être mièvre ou superficiel. Un disque qui tient de la fusion des Beatles et de Walt Disney, idéal pour faire de beaux rêves.