The Prophecy est un groupe précieux. Précieux car aussi rare que discret et avare de sa semence comme en témoigne sa maigre discographie riche de seulement quatre albums forgés en l'espace de quatorze ans et dont le dernier survient après plusieurs années de silence. Précieux enfin car unique, le Doom Death qu'il grave n'appartenant qu'à lui, ni gothique à la manière de My Dying Bride, ni vraiment sabbathien comme Cathedral ni atmosphérique comme le fut Anathema, formation dont il se révèle cependant peut-être le plus proche parmi ses compatriotes pour cette façon de distiller une tristesse belle à en pleurer.
Bons disques, Ashes et Revelations ont préparé le terrain à Into The Light, oeuvre brillante dont nous attendions bien évidemment le digne successeur sans imaginer que près de quatre années seraient nécessaires pour que les Anglais en viennent à bout. A l'écoute de Salvation, on mesure combien ceux-ci ont eu raison de ne pas se précipiter.
Fort d'une multitude de richesses nichées dans son intimité, cet opus est de ceux qu'on déguste, dont on découvre à chaque plongée en apnée un détail, une note qui jusque là nous avaient échappé. Plus émotionnel que lourd, encore que certaines falaises rythmiques du guitariste Greg O'Shea et du bassiste Gavin Parkinson sont plus que riches en plomb ("In Silence"), The Prophecy doit beaucoup à son chanteur, Matt Lawson, incontestable clé de voûte de cette cathédrale accueillant toute la misère du monde. Encore une fois, cette voix tour à tour puissante et fragile emporte tout sur son sillage, libérant des frissons dès le titre d'ouverture éponyme.
On aurait pourtant tort de réduire le groupe à son seul vocaliste, aussi fabuleux soit-il car derrière, les trois autres musiciens posent de solides fondations et participent, à l'image de cette guitare délicate égrenant une mélancolie infinie et ce violon boulversant, à cette tragédie dont chaque morceau est un chapitre. Il suffit d'écouter "Released" ou "Reflections", lequel démontre en passant que les Anglais sont aussi à l'aise dans un format court qu'ils n'utilisent que très peu, pour se rendre compte de ce travail ainsi que de cette cohésion.
Bénéficiant du talent conjugué de Greg Chandler (Esoteric) qui l'a produit et de James Plotkin (Sunn O)))) qui l'a masterisé, Salvation, à l'instar de ses aînés, est un album faussement simple, fonctionnant en réalité par petites touches pointillistes, aboutissant au final à l'oeuvre la plus maîtrisée de ses géniteurs.