Si trois ans séparent "Damnation And A Day", 6ème chapitre des aventures de Cradle Of Filth, de "Midian", les fans n'ont pas pour autant été épargnés par les sorties. Finalement, le disque arrive presque par surprise tant on ne l'attendait pas si rapidement. Le groupe a de nouveau connu des mouvements: Robin Graves est parti, Dave Pybus, ex Anathema prenant sa place, alors que Gian Pyres n'a pas été remplacé, Allender jouant les guitares avec l'aide du clavier Martin Powell. Tout cela acheve de faire du combo le quasi projet solo d'un Dani Filth restant seul membre à avoir joué sur tous les disques. Ce nouvel opus est un concept en 4 actes, basé en partie sur "Paradise Lost" de John Milton. Il contient 17 titres pour une durée de plus de 76 minutes, et ce côté ambitieux laisse des craintes tant il a été écrit et composé rapidement. Cradle Of Filth propose son mélange de black et de heavy-thrash mais met de côté Sarah Jezebel Deva et la facette gothique romantique.
Nous ne ferons pas durer le suspense tant le résultat est décevant: Cradle Of Filth se noie dans un concept mal maitrisé et écrit sans doute bien trop rapidement. On se retrouve avec un disque très long où peu de choses ressortent: les refrains efficaces ont quasiment disparus, les riffs sont bateaux et les soli intéressants se font rare, le tout au profit d'un bourrinage intensif et sans âme. En fait, Cradle propose un métal extrême générique où toute trace de poésie a disparu, s'envolant avec des aspects gothiques cruellement oubliés. Il ne reste donc pas grand-chose à retenir après l'écoute, celle-ci s'avérant même laborieuse tant il y a de redondances et de répétitions. On peine même à distinguer les coupures entre les différentes parties.
En fait, il est palpable que Cradle a voulu faire les choses en grand, en cherchant à réaliser la bande son d'un film de Tim Burton mais sans en avoir les moyens artistiques et sans prendre le temps de peaufiner ses compositions. De la 1ère partie, "Fantasia Down", peu de choses ressortent, le groupe semblant avoir perdu sa formule magique. "The Promise Of Fever" est banal et "Hurt And Virtue" est un mauvais mélange de genres interminable. Le second acte, "Paradise Lost", enchaine sans plus convaincre: de "Better To Reign In Hell" à "Carrion", il n'y a aucune accroche prenante et ce milieu de disque semble bien long. "Sewer Side Up", la 3ème partie, est de meilleure qualité: "Presents From The Poison Hearted" et "Babalon A.D." sont mieux construits avec des riffs plus accrocheurs et des mélodies de refrains qui sonnent bien. Mais la dernière partie, "In The Scented Garden", replonge et semble vraiment sans fin, épuisant le peu de nerfs restants à l'auditeur. "Mannequin" est mauvais, parodiant le style Cradle et "Thank God For The Suffering" et "The Smoke Of Her Burning" ont des allures de faces B inachevées.
En se retrouvant avec son label chez le géant Sony, Cradle Of Filth semble avoir perdu son âme et ses attraits maléfiques. Avec "Damnation And A Day", il se transforme en une formation d'extrême lambda, lissée et sans imagination. Après ce premier très gros faux pas, on se demande même comment la formation anglaise va pouvoir se relever. Elle a fini par tomber dans son propre piège en devenant une auto-caricature aux limites du grotesque. Le constat peut sembler cruel mais qui aime bien châtie bien, surtout quand Dani nous a habitué à l'excellence.