The Malediction Fields puis Epoch ont durablement gravé dans le marbre noir le nom de Fen, pour qui le Black Metal sert de terreau à un art tour à tour atmosphérique et évolutif, rageur et terreux. A sa manière très personnelle et pleine de finesse, mais sans les oripeaux païens et folkloriques, le groupe participe avec Wodensthrone et Winterfylleth à un hommage à la terre de la Perfide Albion, en mettant toutefois davantage l'accent sur sa géographie que sur son histoire.
Si depuis 2010, la formation a connu de légers remaniements, voyant le départ de son batteur historique et du claviériste Aedelwath (ex Wodensthrone), ceux-ci n'ont bien entendu eu aucune conséquence sur la couleur ainsi que la valeur de Dustwalker en cela que The Watcher (chant et guitare) et Grungyn (basse et chant) incarnent l'âme de Fen qu'ils guident dans des sentiers à chaque fois surprenants quand bien même son identité a très tôt été fixée, notamment représentée par cette faculté unique d'envahir l'espace avec une aisance et une fluidité admirables.
Coupé en deux par un court instrumental ("Refflections"), cette troisième offrande est une oeuvre bipolaire, janus musical qui voit les Anglais pousser à son paroxysme l'ambivalence de ce Black Metal emporté par le souffle du Post-Rock le plus délicat, art du clair-obscur qu'illustrent "Wolf Sun" et plus encore le magnifique "Consequence". Ces compositions, après une entame (le premier) ou une première partie (le second) grésillantes et rapides où fait plus qu'affleurer un socle tranchant et noir, glissent vers une sente plus claire sinon plus posée que voile une mélancolie profonde.
Ceci dit, jamais Fen n'a autant largué les amarres pour décoller très haut, tricotant alors une bande-son evanescente et aérienne ("Hands Of Dust") qu'irriguent des lignes de guitares entêtantes. Sustain pollué ("The Black Sound", qui plus est silloné par une courbe de basse énorme), envolées stratosphériques déchirantes d'émotions ("Spectre", sans doute l'apogée de l'écoute), le groupe atteint la quintessence de son art dans ces moments chargés d'une poésie douce-amer.
Et si au final Dustwalker, bien qu'habillé d'un écrin toujours aussi rugueux, sonne comme l'album le plus éloigné du Black Metal que ses auteurs ont façonné depuis 2006, sa réussite n'en demeure pas moins éclatante car avec une une intelligence qu'on leur a toujours reconnu, les Anglais peaufinent leur son, évoluent sans pour autant renier leurs racines, avec naturel et subtilité.