Le sixième album d'Electric Light Orchestra sort sous le titre de "A New World Record", ce qui peut se traduire par "un nouveau record du monde" ou "un nouveau disque-monde", cette seconde interprétation faisant peut-être référence à l'album "World Record", enregistré la même année par Van Der Graaf Generator. Néanmoins, si les deux disques portent presque le même titre, celui d'ELO est nettement moins noir que celui du groupe de Peter Hammill.
Fidèles à un style qui leur réussit bien depuis maintenant trois albums, Jeff Lynne et compagnie nous reviennent avec neuf chansons sucrées, fortement teintées de pop, gorgées de chœurs et tapissées de violons, altos et autres violoncelles. Ceux qui auront suivi la carrière du groupe jusqu'à ce point, savent déjà qu'ELO a délaissé ses tâtonnements exploratoires depuis "Eldorado" pour s'adonner à un rock beaucoup plus calibré et accessible, et "A New World Record" n'a certes pas de quoi froisser les tympans mêmes les plus sensibles. Entre chansons romantico-mélancoliques et rock'n'roll des familles, le groupe nous sert une musique généreuse et fort avenante. Car, et c'est là que réside sa force, Jeff Lynne possède toujours ce don étonnant pour composer des mélodies on ne peut plus banales et pourtant terriblement accrocheuses. Au-delà de son sens inné de la musicalité qui fait qu'on retient et fredonne facilement n'importe lequel de ses titres, le soin qu'il apporte à enrichir chaque moment, ici de chœurs, là d'orchestrations, plus loin de samples, constitue le style inimitable d'ELO.
L'album est par ailleurs très équilibré, alternant rock orchestral ('Tightrope', 'Livin' Thing'), mélodies romantiques ('Telephone Line' et son refrain aux popisantes onomatopées doo-wap-doo-be-doo-doo-wap, 'Shangri-La' et son sublime final mélancolique), rock'n'roll dansant (le déjanté 'Rockaria !' et sa diva d'opéra, 'Do Ya', titre recyclé des Move), pop pure et dure ('So Fine' et ses hou-la-hou-la-la à faire pâlir d'envie les Bee Gees) et même un semblant d'atmosphérique ('Above The Clouds' un peu décalé) et un soupçon de nostalgie prog ('Mission' et son angoissant final).
"A New World Record" fut un gros succès commercial à sa sortie. Succès mérité par un niveau d'écriture qui atteint ici son apogée dans le registre populaire. Mais il faut prendre cet album pour ce qu'il est : une succession de chansons plaisantes, mélodieuses et légères, suffisamment solides cependant pour avoir su résister aux outrages du temps.