Jusqu'alors, Pestilence pataugeait dans un death-metal basique à la floridienne et rien ne lui permettait vraiment de se distinguer des autres garçons bouchers œuvrant dans le genre, si ce n'est la voix bien caverneuse de Martin Van Drunen. Avec Testimony Of The Ancients, leur troisième offrande, les Hollandais, désormais privés de leur hurleur en chef, entament leur mue qui ne s'achèvera qu'avec le dernier opus, Spheres. Bien que les racines extrêmes en forment le socle, la musique du groupe s'éloigne dorénavant du death pur et dur pour partir à la conquête d'un chemin encore peu balisé : celui du techno-death.
Architecturé autour de 16 morceaux qui contribuent à lui conférer des allures de forteresse compacte, et dont la moitié sont de courts intermèdes instrumentaux magnifiques, Testimony Of The Ancients déroule de fait une technicité ébouriffante. La construction des titres est à l'avenant ; ils sont, à l'image de l'œuvre de Lovecraft auquel le titre de l'album semble faire référence, comme des labyrinthes dont seuls les musiciens (et encore) possèdent la clé, dans lesquels on ne peut, pour notre plus grand plaisir, que se perdre.
S'il a perdu en brutalité, Pestilence a gagné en contrepartie, une finesse et un sens de la mélodie qui lui faisaient défaut. Les soli des guitares se révèlent être de pures merveilles, tandis que l'adjonction d'un claviériste vient enrichir sa musique d'une large palette d'atmosphères. Un bijou tel que "Stigmatized" résume à lui seul ce qu'incarne désormais Pestilence.
On sent en outre, que la bande, emmenée plus que jamais par Patrick Mameli, a été certainement impressionnée par les travaux du combo américain Cynic dont on peut noter la présence sur ce disque du bassiste, Tony Choy. Néanmoins, contrairement à Spheres, son sublime successeur qui ira encore plus loin dans l'expérimentation tout azimut, Testimony Of The Ancients conserve des attaches incontestables avec le métal extrême, suffisamment en tout cas pour empêcher que les Bataves se mettent leur public à dos, ce que leur dernière offrande ne manquera pas de faire, pour leur plus grand malheur.
Le chef-d'œuvre de nos Hollandais (plus si) violents, est tout simplement une œuvre rare et magistrale qui démontre quel immense groupe fut Pestilence.