Pour la plupart des lecteurs de Music Waves, le nom de Madeleine L'Engle n’évoque sans doute pas grand chose. C’est pourtant à partir d’une de ses nouvelles célèbres de fantasy que le groupe américain Shadow Circus a choisi de construire son dernier album, “On a Dark and Stormy Night”. Après tout, ce récit, plus connu dans les contrées anglo-saxonnes, a déjà fait l’objet d’une adaptation en pièce de théâtre, en téléfilm, en opéra, et prochainement au cinéma, la société Disney ayant récemment acquis les droits.
Le scénario se prête bien à l’élaboration d’un concept-album ce qu’apprécieront particulièrement les amateurs de progressif à tendance symphonique. Et il est vrai que l’opus collectionne les bons points : le récit est fidèlement suivi et la musique est bien évocatrice des différents mondes visités. Le style développé ici est un progressif symphonique (l’ouverture), aux franges du néo, mais ne dédaignant pas muscler un peu la rythmique (‘Tesseract’), multipliant les passages instrumentaux avec moult dialogues guitares-claviers. La voix de David Bobick, assez proche de celle de Roger Waters, et l’utilisation des chœurs (‘Whosit, Whatsit and Which’) pourront faire penser au Pink Floyd de ”The Wall” ; il est aussi possible d’entendre des résonances caméliennes (‘Ixchel’) ou morsiennes (Steve, pas Alan ! - pour l'utilisation de l'orgue), mais c’est surtout Phideaux qui vient à l’esprit pour le soin des constructions et le côté constamment harmonique que peut revendiquer Shadow Circus. L’exposition et les nombreux rappels des thèmes disséminés tout au long de l’opus ne manqueront pas de satisfaire les aficionados du genre.
Pour autant, si la construction de l’opus apparaît soignée, l’émotion a du mal à s’installer. D’abord par un petit manque d’originalité - ne recherchez pas la nouveauté dans “Stormy Night”. Au plan de la réalisation, si la production est techniquement sans gros reproche, nous retrouvons par ailleurs cette tendance assez américaine qui consiste à surcharger un peu le trait. Les claviers sont ainsi un peu trop présents en arrière-plan (‘Uriel’), la voix sans grande sensibilité et la basse se fait par moments un peu trop démonstrative (‘Make the Way to the Big Show’).
“On a Dark and Stormy Night” propose un progressif aux ornements parfois un peu trop luxuriants ce qui fait penser qu'un peu plus de dépouillement et de clarté auraient probablement permis d’obtenir plus de sensibilité. Un album tout de même d’une réussite louable, homogène musicalement (tous les concept-albums ne peuvent pas s’en vanter !) et fort agréable à l’écoute.