Elephant9 est un trio norvégien à la Emerson, Lake & Palmer, une formation menée par le claviériste Ståle Storløkken épaulé par Nicolai Eilertsen à la basse et Torstein Lofthus à la batterie. Pas de guitariste attitré donc, le rôle étant tenu sur une bonne moitié des titres de l'album par Reine Fiske (Landberk, Morte Macabre, Paatos). Pas de chanteur non plus, le disque étant entièrement instrumental.
Fidèle à un style qu'il a désormais adopté depuis son premier album en 2008, le groupe déroule un space rock teinté de free jazz laissant peu de repos à l'auditeur. L'ensemble est souvent mené tambour battant, une expression qui convient parfaitement au jeu survolté de l'omniprésente batterie. Dès les premières mesures de 'Black Hole', on se voit submergé sous les flots tumultueux de la batterie soutenue par une basse cyclique et des accords de claviers discordants et agressifs. Si la rythmique a un faux air de 'Tarkus', le clavier fait la part belle à l'improvisation. Même impression sur 'The Riddler' qui, après un court début atmosphérique et mélancolique, dévide une musique furieuse où un batteur fou s'évertue à frapper le plus vite et le plus fort possible pendant que le bassiste monte et descend des notes au hasard sur le manche et que les claviers cherchent les sons les plus distordus. Même punition sur 'Freedom's Children', au rythme soutenu par une batterie déchainée, une guitare hendrixienne qui s'élève dans des aigus saturés de plus en plus stridents, un orgue grave et inquiétant et une basse déboussolée.
'Atlantis' débute sur une longue intro évanescente ressemblant aux plages glacées de certains Klaus Schulze, des dissonances et des stridences trouvant cependant place au cœur des passages les plus calmes. Plus le titre avance, plus celles-ci s'affirment en un lent crescendo pour se transformer à la fin en une cacophonie fatigante. Après 'A Foot In Both', instant de quiétude sans batterie, uniquement constitué de notes douces et lentes de claviers posées délicatement sur les accords des guitares acoustiques, 'Psychedelic Backfire' délivre une musique évocatrice, extrêmement cyclique mais plus maitrisée et structurée que sur les autres titres. Il se dégage une sorte de puissance maléfique de ces accords sombres, de cette rythmique pesante et de ces notes distordues. Certainement le meilleur titre de l'album.
Il sera bien difficile de faire croire que cet album est d'une écoute reposante. Space rock furieux et déchainé, sans structure ni nuance, souvent disgracieux, proche du free jazz où la virtuosité des musiciens et leur capacité à improviser semblent plus importantes que le sens de la mélodie, 'Atlantis' nous livre une musique acide, sombre et chaotique, nécessitant une certaine dose d'inconscience ou de courage pour arriver au bout de près d'une heure d'agression sonore.