Si Artimon ne vous évoque pas grand-chose, ce n'est pas étonnant puisqu'il s'agit d'un jeune groupe français qui fait avec "A Snake In The Garden" ses premières armes. La formation est constituée de trois membres qui, en sus d'instruments traditionnels comme la guitare, la basse ou la batterie, tâtent également du banjo, de la contrebasse, du concertina (une sorte de petit accordéon) ou de l'harmonica, voire recourent à divers "bruits, grattements de cordes et autres tintamarres" comme ils ont l'amabilité de prévenir leurs auditeurs sur leur site officiel.
Le cadre est posé : Artimon ne manque pas d'humour ni d'originalité. Deux qualités qui se retrouvent tout au long de l'écoute de ce premier opus réservant son lot de surprises. Les titres courts (la moitié n'atteint pas les trois minutes) sont autant de chansons étranges, dérangeantes, où des mélodies banales à la base se transforment par une subtile distorsion en ritournelles inquiétantes. Pas vraiment minimalistes, mais dépouillées, renforçant le caractère mélancolique dont l'album est empreint.
Le son très seventies, un peu sale, graillonnant, contribue à nous immerger dans une ambiance glauque et vaguement malsaine ; ambiance installée en grande partie par la prestation vocale de Benoit Durlin. Non pas que celui-ci fasse preuve d'une amplitude étonnante ni d'une technique irréprochable, mais son interprétation donne vie aux chansons, mélangeant la mélancolie lunaire d'un Syd Barrett, la théâtralité extravertie d'un Alice Cooper et la schizophrénie d'un Roger Waters, atteignant même un mimétisme étonnant avec le David Bowie de l'époque "Ziggy Stardust" dans le final désespéré et révolté du mal nommé 'Be Happy'.
L'interprétation décalée d'Artimon se teinte de beaucoup d'humour, mais d'un humour noir, corrosif, désenchanté à la Boris Vian. Les mélodies douces-amères se nimbent d'une mélancolie brumeuse, l'angoisse et le désespoir percent derrière les riffs sombres. Les voix déformées telles des cris de détresse ponctuent régulièrement l'album et quand un air semble plus gai ('The Coast', 'Lion King') il sombre vite dans une dérision psychotique.
Avec peu de moyens, Artimon réussit à installer une atmosphère palpable et homogène. Si l'on échappe néanmoins à tout sentiment de lassitude, c'est en partie dû à la relative brièveté de l'album. Artimon est un groupe qui possède une originalité intrinsèque et un sens du décalage attachant mais qui devra confirmer tout le bien que l'on pense de ce premier opus en sachant se diversifier et s'enrichir pour le prochain.