Après “Heavy Metal Fruit”, un album qui voyait le groupe atteindre une certaine quintessence en 2010, notre trio norvégien était attendu au tournant. Comment donner en effet une suite digne à cet album essentiel ? La réponse est double. Car c’est avec la contribution du clavieriste et compositeur Stale Storlokken et en s’appuyant sur un véritable orchestre (le Trondhein Jazz Orechestra) que Motorpsycho nous revient. Et pour ne pas faire les choses à moitié, il nous offre un double album live. Reprenant l’idée une suite musicale interpêtée en 2010 au Moldejazz Festival, l’enrichissant des textes du bassiste Bent Saether (il en fait toute un histoire, au sens propre) et des talents de compositeur de Storlokken du groupe d’improvisation Supersilent (il co-signe la quasi intégralité des titres), Motorpsycho frappe très fort.
Pour les non-initiés sachez que Motorpsycho est autant gratifié des termes Rock Alternatif que NuJazz et mêle habilement (le groupe en est tout de même à son 17ème opus) Stoner, Jazz, Jam Psychédélique, et Rock. Voilà une mixture qui peut se révéler pour certains aussi aisé à digérer que le vieux pudding de Grand Tata. Si maintenant vous êtes fans d’un early King Crimson que vous trouvez ma foi assez facile d’accès, cette double galette passera toute seule.
Il faut aussi savoir, et les plus malins s’en seront doutés à la lecture de l’introduction, que le Rock habituellement viscéral du groupe est moins exposé, voilé qu’il est par un orchestre tout en cuivre et instruments à vent (la clarinette qui introduit ’Out Of The Woods’), en cordes hypnotisantes et transcendantes et par la présence non négligeable du violoniste Ola Kvernberg.
Ainsi, tout au long de cette suite musicale, de longues envolées purement symphoniques ('Dolldrums') viennent donner toute sa puissance à l’explosion du groupe et des plages noisy apportent toutes leurs significations aux douces nappes cuivrées. Sur plus d’1h30, c’est une véritable symbiose dans le sens le plus premier du terme qui se crée entre les courants musicaux, donnant au mot fusion ces lettres de noblesse. 'Sculls In Limbo' par exemple, et 'Sharks' sont des plages plutôt bruitistes bien que la seconde se veut plus abordable grâce aux interventions du chant spectral, puis des cordes pincées, de choeurs et de Hammond. Le groupe et l'orchestre s'associent parfois dans un genre comédie musicale psychédélique comme sur les deux titres 'Oh ! Proteus' offrant tel un gel capillaire célèbre un côté structuré/déstructuré où la longue 'Into The Gyre' laisse pour le coup la grosse guitare de côté.
Le trio n’en perd pas en puissance pour autant car il vous sera permis de sauter dans tous les sens en secouant votre tête chevelu sur les quelques et superbes moments forts de l'album que sont 'The Hollow Lands', Rock dynamique au schéma hypnotique et dont l'association voix/flûtes/rythmiques alambiquée évoque Ayreon, 'Through The Veil' qui débute tel un vieux Jazz pour évoquer par moment le Rock Vintage et mystique de l'album "Heritage" d'Opeth tout comme les deux derniers titres, Rock puissants et enlevés révélant le niveau impressionnant du groupe (écoutez donc ces lignes de basse !). Accessibles et lourds ils sont avec 'La Lethe', titre de Doom pesant et borné, les véritables tour de force de cette seconde galette.
La rudesse et l’urgence de l’interprétation live apporte, et c’est heureux, le piment nécessaire à l’immersion prolongée et au final Motorpsycho a accompli de nouveau l'exploit. Cet album très particulier vous ouvrira des portes sur un monde parfois insoupçonné dont on ne revient pas indemne, et pour cela, il mérite fortement d'être découvert. Osez !