Cela faisait six ans que les norvégiens de Panzerpappa ne nous avaient pas honoré d'un album studio. Leur nouvel opus, "Astromalist", reste dans la veine de leurs productions précédentes. Panzerpappa pratique une musique à la croisée des chemins que l'on pourrait ranger indifféremment dans les catégories rock in opposition, Canterbury ou fusion selon les titres, voire selon les thèmes développés dans chacun d'eux.
Généralement les œuvres interprétées par les groupes appartenant aux catégories susmentionnées sont d'un accès délicat quand il n'est pas carrément rébarbatif. Apprécier les sonorités souvent discordantes, les structures alambiquées, les mélodies loufoques ou échevelées de Henry Cow, Univers Zero, Art Zoyd ou Soft Machine nécessite des dispositions auditives (et mentales ?) particulières. Panzerpappa réussit un beau numéro d'équilibriste en jouant une musique ayant de la personnalité, mais sans complexité excessive.
Les titres s'appuient souvent sur une ossature cyclique sur laquelle interviennent divers instruments solistes dans des prestations plus ou moins improvisées mais toujours maitrisées. Panzerpappa évite l'écueil d'une musique trop cérébrale réservée aux amateurs de sonorités expérimentales sans sombrer pour autant dans une musique d'ascenseur. Si 'Bati La Takton !' et 'Femtende Marsj' dégagent de fortes effluves de King Crimson ou Art Zoyd, le premier titre en arrondissant les côtés parfois anguleux et discordants tandis que le second en conserve les aspects les plus exigeants, 'Satam' aux tonalités jazzy mélodico-sinueuses et 'Knute på Tråden' au sax ophidien déployant ses anneaux avec nonchalance par vagues successives rappellent plus Hatfield & The North.
La plupart des titres sont portés par les interventions toutes en rondeur des saxophones de Steinar Børve ('Bati La Takton !', 'Anomia', 'Ugler i Moseboka', 'Knute på Tråden') et celles des guitares de Jarle Storløkken qui tantôt dialoguent avec le sax ('Bati La Takton !', 'Astromalist'), tantôt soliloquent ('Satam'). L'intervention de divers instruments invités (trio de cordes, vibraphone, flûte, basson, cor anglais, …) enrichit encore la palette de couleurs d'une musique déjà généreuse. Il suffit pour s'en convaincre d'écouter l'émouvant legato de cordes superposé aux sonorités agressives des cuivres sur 'Anomia', les moelleuses harmonies des échanges sax/flûte sur 'Ugler i Moseboka' ou la chaude sonorité du basson sur 'Astromalist'.
Les instruments souvent solistes ne sont jamais inutilement bavards. Certes il ne faut pas espérer trouver de mélodie fredonnable, de titre donnant envie de danser. Le plaisir vient avant tout des ambiances, des ruptures de rythmes, des nuances, de la palette sonore, de ce mélange de jazz rock, de progressif, de Canterbury et d'une pincée de musique ethnique. Rien de facile dans ces mélodies, mais rien d'indigeste non plus. Une musique qui nécessite néanmoins d'y être disposé et qui ne se livrera vraiment qu'à des auditeurs avertis appréciant l'audace et aimant être déroutés.