Jeff Lynne est un compositeur prolifique. Après avoir sorti très régulièrement un album par an depuis la création d'Electric Light Orchestra, il nous gratifie en 1977 d'un double album. Certes, les mauvaises langues diront qu'à se répéter sans cesse, il n'est pas bien difficile d'avoir une production abondante, et on ne pourra pas leur donner tout à fait tort. Car il faut bien reconnaître que depuis "Eldorado", la machine ronronne. ELO s'est inventé un style dont il finit par devenir quelque peu prisonnier et force est de constater que le groupe ne s'accorde plus aucune prise de risque, aucune audace. A tel point que le titre, "Out Of The Blue", qui désigne un évènement inattendu, semble bien inapproprié. Pas d'évènement inattendu dans cet album où l'on retrouve les mêmes mélodies, les mêmes ficelles que celles utilisées sur les trois disques précédents. Avec un inévitable sentiment de déjà-entendu, mais aussi il faut l'avouer, avec le même plaisir gourmand.
Car si Jeff Lynne puise toujours aux mêmes sources d'inspiration, celles-ci ont la grâce d'être extrêmement mélodieuses. L'album contient quinze titres, autant de compositions sucrées qui en charmeront plus d'un par leur suavité mais qui agaceront les dents de bien d'autres. Quinze chansons composées par Jeff Lynne en à peine deux semaines. Certains s'extasieront de sa rapidité et de son extraordinaire facilité à composer là où d'autres s'interrogeront sur la qualité du résultat.
Pour ceux qui connaissent déjà le groupe, ils n'auront aucune surprise à retrouver les mélodies faciles mais si attachantes, les débauches de chœurs et d'orchestrations, les mouvements legato des cordes. Musicalement, ELO assaisonne son rock mélodique d'une bonne dose de pop à la sauce disco et la troisième face du vinyle, prétendument conceptuelle (un concept qui se résume à "après la pluie, le beau temps"), n'est qu'une suite de quatre chansons ni pires ni meilleures que le reste de l'album. On passe ainsi de titres trop suaves, un peu écœurant ou sans personnalité ('It's Over', 'Starlight', 'Jungle', 'Summer And Lightning', 'Birmingham Blues') à de petites perles musicales ('Turn To Stone', 'Sweet Talkin' Woman', 'Believe Me Now', 'Steppin' Out', 'Standing In The Rain', 'Wild West Hero'), le fleuron étant incontestablement le sublime 'Mr Blue Sky', lumineux, fantaisiste et dans une grande veine beatlesienne.
La grande facilité avec laquelle s'écoute tous ces titres a incontestablement contribué au succès qui a accueilli cet album. Pourtant, devant la banalité de certaines chansons, on peut se demander si Jeff Lynne n'aurait pas mieux fait de se contenter d'un album simple : "Out Of The Blue" aurait alors pu être un grand album se posant en digne successeur de "A New World Record". Il se contentera d'être un bon disque recelant quelques très beaux moments.