Keep It Deep est une formation originaire de Liège. Le progressif flamand n'ayant pas quantité de représentants, il est intéressant de voir, au même titre que pour n'importe quel autre pays, la déclinaison belge de ce style que nous propose Keep It Deep. Formé en 2002 autour de quatre musiciens aux influences extrêmement diverses et variées (du ska au hardcore en passant le post-rock ou le jazz pur et dur), la musique distillée par ce groupe traduit une volonté de conjuguer leurs intérêts musicaux en un seul et même projet.
Le premier titre, 'Dodecahedron' commence ainsi sur une base très jazz-rock mélodique, avec un schuffle à la batterie et une pompe à la guitare. Les 4 premières minutes permettent aux musiciens de poser des mélodies et des motifs assez basiques tandis que Jean-Paul Krasprzyk nous offre un refrain marqué par une ligne de chant assez accrocheuse. Et alors que l'on se croît parti pour 60 minutes de musique douce, mélodique et axée sur le chant, les 4 belges nous envoient un break de métal progressif et nous font comprendre qu'ils savent jouer fort et bien, enchaînant les riffs et les ruptures mélodiques complexes à grands renforts de double pédales et de murs de son distordu dans lesquels les plans de guitares se superposent et se complètent avec une grande cohésion. Les influences de chaque musicien transparaissent dans leur jeu et si l'on pouvait craindre un rendu final brouillon, chaque instrument trouve au final parfaitement sa place et forme un tout intelligent et très personnel.
Les morceaux, tournant pour la plupart autour des 7 minutes avec deux longues suites de 12 minutes, annoncent clairement un format prog, les thèmes s'enchaînant et s'interpénétrant constamment à travers des jeux d'écho au sein même des morceaux. Et bien entendu, compte tenu de leur pays d'origine, l'humour et la folie sont omniprésents. Le chant, très expressif et narratif, va dans ce sens, en particulier sur 'Facial', chanson au titre évocateur comptant les prouesses sexuelles d'un homme qui n'a de cesse de murmurer sur un ton espiègle :« I'm the sex master ! » (l'écoute au casque en devient particulièrement troublante...). Les décalages créés par le passage d'un style à l'autre peuvent faire sourire, de même que les jeux d'échos rythmiques entre les deux guitares basés sur des riffs majeurs. De plus, les timbres utilisés sont aussi divers que les ambiances exposées, la trompette ('Bright Light Sun') ou l'accordéon ('Ciocia Teresa', sans doute le meilleur morceau de l'album, grâce à des lignes de chant fabuleuses) trouvant très bien leur place aux côtés de la formation rock classique.
Après avoir publié une démo deux titres en 2003 (« The Way We Came From The Sky », Keep It Deep donne naissance à un premier album abouti, intelligemment construit et mature musicalement parlant (pour les thèmes abordés, ce n'est pas la même histoire). Cette démarche de créer une musique prog complexe et délirante n'est pas sans rappeler le travail de groupes tels Beardfish ou The Flower Kings. Soulignons pour terminer la production exceptionnelle dont bénéficie « Hatching », assurant à Keep It Deep une signature sonore évidente. L'absence de claviers est malgré tout regrettable, quelques nappes de mellotron bien vintages n'auraient rendu leur musique que plus appréciable.