Ah ! Qu'il est confortable pour le chroniqueur, de pouvoir douillettement ranger les musiques dans des cases bien séparées : AC/DC dans le hard-rock, Genesis dans le prog, les Rolling Stones dans le rock, Dream Theater dans le métal-prog, A-Ha dans la pop … Seulement voilà, il est des groupes qui empruntent des chemins de traverse et ne rentrent pas facilement dans des compartiments prédéfinis. Modest Midget est de ceux-là. Porté par Lonny Ziblat, compositeur né en Argentine d'un papa rocker et d'une maman d'orientation classique, élevé en Israël et résidant aux Pays-Bas, il emprunte à de nombreux univers, installant avec "The Great Prophecy Of A Small Man" un univers touche-à-tout assez hétéroclite mais plutôt réjouissant à l'écoute.
Après l'intro minimaliste, le ton est résolument 70's, avec des accents que les Who n'auraient pas renié. "Au secours ! ", se disent les progressistes… Mais quelques mesures plus loin, un break donne dans le genre fugue de guitare classique, avant un solo électrique bien déjanté : surprise ! Et cette volonté de ruptures – qui n'est pas sans rappeler les Californiens de Mr Bungle - se poursuivra tout au long de l'écoute, faisant voisiner le Camel seventies avec des délires à la Flower Kings ('Coffe From Yesterday'), le classique et le jazz ('Back From My Trip'), le Canterbury avec un violon grappellien ('Jorge Knows How Difficult A Musician's Life Can Be, But Then Again, Who Doesn't ?'), n'hésitant pas à utiliser des sonorités orientales ('Troubles In Heaven', 'Evolution') ou les instruments classiques (l'alliance clarinette – violon de 'Baby'). Lonny Ziblat se fend également de jolis soli de guitare, rapides ('Here I Go') ou en douceur ('I Came, I Saw, I Left', avec un petit côté Carlos Santana).
N'exagérons rien, les titres restent quand-même de facture assez simple, ce qui n'en fait pas l'album de l'année, d'autant que la production reste simple, toujours dans l'esprit 70's. Mais il y a plein d'idées dans les courtes évolutions instrumentales, et l'ensemble est délivré avec une grande fraîcheur et fait plaisir à entendre. "The Great Prophecy Of A Small Man" est un disque récréatif extrêmement sympathique, qui mérite qu'on s'y arrête, ne fût-ce que pour se reposer les méninges entre deux écoutes progressives alambiquées !