Intéressant comme un musicien peut imprégner un disque de sa personnalité, alors même qu’il n’en a pas écrit une seule note ni ligne de texte. Démonstration avec .Neon.
Après une démo, Lantlôs se fait remarquer avec son album éponyme, maladroit mais aventureux en cela qu’il tentait de faire copuler deux corps à priori pas vraiment destinés à se rencontrer : le Black-Metal et le Post-Rock. Lantlôs fut donc un disque précurseur dont l’une des faiblesses résidait dans le chant du bassiste de Geist, Alboîn, identifiée très vite par le maître des lieux Herbst (Impavida). A la surprise générale, l’Allemand décide de faire appel à Neige, artiste bien connu de la sphère noire hexagonale. Les deux hommes semblent connecter l’un à l’autre. .Neon se présente comme le fruit de cette rencontre.
Plus travaillé, mieux produit que son prédécesseur, cet opus porte incontestablement la marque du Français qui a apporté avec lui cette influence shoegaze, qui n’est d’ailleurs pas pour déplaire à Herbst. Le visuel, réalisé par son ami de toujours, Fursy Teyssier (AmeSœurs, Les Discrets), participe en outre de cette signature esthétique reconnaissable entre mille, à l’image de ses lignes vocales, qu’elles soient claires ("Pulse/Surreal") ou plus monstrueuses ("Minusmensch"). C’est finalement comme si Herbst s’était nourri de la personnalité de sa nouvelle recrue. Ce qui est évident dans cette façon de faire sonner les guitares, de faire vibrer en un sustain hypnotique des riffs douloureux.
Pour autant, on ne saurait réduire .Neon à un Alcest bis. Au contraire, Lantlôs délivre une œuvre originale, fusion parfaite de deux entités distinctes mais complémentaires. De fait, c’est presque un nouveau groupe qui s’offre à nous. Dès le titre d’ouverture ("Minusmensch"), mis en avant par une basse presque jazzy, le changement saute aux oreilles. Et lorsque la voix écorchée de Neige surgit, Lantlôs décolle franchement vers une autre dimension, ce que soulignent des lignes de guitares stratosphériques.
Après une entame squelettique, "These Nights Were Ours" empreinte une direction plus brutale et rapide, en dépit des couleurs shoegaze qui le parent. Puis, c’est l’étonnant "Pulse/Surreal", piste en deux temps comme son nom le suggère, tout d’abord veloutée et aérienne, plus sauvage par la suite et que vrillent des riffs post-rock mélancoliques. A "Neige de mars", peu différent des autres compositions si ce n’est qu’elle est chantée en français, on préfèrera "Coma", longue pulsation que déchirent de nombreux soubresauts, et plus encore l’instrumental terminal "Neon", lancinante piste de décollage qui ouvre une porte sur un espace déchirant de beauté intense et contemplative.
Moins noir que Lantlôs, .Neon est un album en clair-obscur, entre l’ombre et la lumière. Homogène également, ce qui ne veut pas dire répétitif. Satisfait de cette collaboration, Herbst et Neige travaillent déjà sur un troisième opus, nouvelle pierre à un édifice dont on espère qu’il n’est pas près d’être achevé tant cette union vient combler ce qui jusque-là faisait défaut au projet : une profondeur de champs.