Deux années après Ataraxia, album qui venait confirmer une montée indéniable en qualité, et après avoir offert en téléchargement gratuit son successeur Labyrinth pour remercier la communauté progressive de ses retours on ne peut plus positifs, Majestic, groupe mené par le multi-instrumentiste Jeff Hamel, publie cette fois un énorme pavé sous la forme d'un double album concept, au titre tout aussi énigmatique que l'illustration soignée qui orne sa pochette.
Première surprise à la lecture du line-up : là où Jeff Hamel semblait depuis deux albums avoir trouvé en la personne de Jessica Raschke la chanteuse idéale pour son progressif symphonique puissant, notre homme a complètement renouvelé le personnel qui l'accompagne, confiant les parties vocales à quatre intervenants différents. De même, afin d'assurer de manière convaincante la partie rythmique, il s'est adjoint les services permanents d'un véritable batteur pour la totalité de l'album. Mike Kosacek marque ainsi de son empreinte l'ensemble des compositions, et il s'agit là d'un véritable plus par rapport aux productions précédentes du groupe. Pour le reste, partant du principe qu'on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même, l'artiste s'occupe de tout : compositions, guitares, basse et claviers, au service d'une musique toujours aussi foisonnante.
Tout commence par une pièce aux intonations symphonico-celtiques, agréable mise en bouche plutôt décalée par rapport au reste du premier CD, qui se compose de la longue suite V.O.Z. découpée en dix mouvements enchaînés. En près de 55 minutes, ce copieux plat de résistance nous propose un éventail on ne peut plus complet des différentes facettes de composition de Jeff Hamel : du rock progressif, avec de larges passages symphoniques, pour lesquels Majestic met en œuvre une vaste panoplie de sonorités, mixées de façon judicieuse pour permettre à chaque couche sonore de trouver sa place au sein d'un spectre très riche. Les mélodies s'enchaînent très naturellement, faisant la part belle aux passages instrumentaux. Ce sont d'ailleurs ces derniers qui donnent toute leur ampleur et leur saveur aux différentes compositions, rendant du coup les parties chantées plutôt quelconques, surtout celles portées par les intervenants masculins.
Pour satisafire tout le monde, Jeff Hamel ne se contente pas de nous proposer du prog néo-sympho aux belles mélodies et aux accompagnements soignés : très régulièrement, il vient bousculer le confort dans lequel l'auditeur aurait tendance à s'installer, à grand renfort de passages techniques aux rythmiques torturées (Crossing Meridian), d'incursions jazzy ou même de sections expérimentales que le Pink Floyd des débuts n'aurait pas reniées. Et comme si cela ne suffisait pas, notre bonhomme s'aventure même à nous délivrer quelques passages métalliques revigorants : c'est tout d'abord le formidable instrumental Approaching Storm qui vient ébouriffer nos oreilles, puis quelques saillies sur le deuxième CD qui s'avèrent dignes des meilleures références du genre que nous surnommons par ici le "métal sympho à chanteuse" (Becoming.
Vous l'aurez compris, impossible de s'ennuyer tout du long des 100 minutes de ce double pavé, tant la diversité des genres proposés et la qualité de leur réalisation ne font qu'amplifier plage après plage les émotions ressenties à l'écoute de cet album. Certes, le deuxième CD pêche quelque peu par une cohérence moindre que le premier, et d'aucuns auraient peut-être préféré une forme plus compacte pour l'ensemble. Il n'empêche qu'avec cette nouvelle livraison, Majestic vient confirmer avec brio sa présence dans le haut du panier du progressif actuel. Tout sauf un hasard tant sa progression semble évidente depuis les prémices exposés lors de la sortie de Descension.