Season Of Mist et le Black Metal norvégien, c'est désormais une longue histoire débutée avec Bloodthorn et son In The Shadow Of Your Black Wings et surtout avec Mayhem dont la signature lui fera acquérir d'un coup une lisibilité en même temps qu'une respectabilité jusqu'ici très modestes. Carpathian Forest, Tsjuder ou Urgehal ont entre autres scellé cette alliance franco-norvégienne. Rien d'étonnant donc que Koldbrann vienne maintenant compléter ce bataillon venu du Grand Nord.
Issu de la seconde génération du Black Metal norvégien, celui-ci a toujours occupé une place un peu à part au sein de cette scène, moins par sa musique, des plus orthodoxe à ses débuts qu'incarne Nekrotisk Inkvisition que par sa carrière pointilliste où les phases de silence l'emportent (malheureusement) sur les périodes d'activité. Corollaire d'une production avare en sorties, ces dernières sont toujours fortement attendues. Si seulement trois années ont séparé Moribund de son aîné, il aura cette fois-ci fallu patienter six ans avant de découvrir ce troisième album, long tunnel toutefois interrompu par le split avec Faustcoven et le Ep Stigma: På kant med livet. C'est maigre. A quoi ressemble donc Koldbrann après cette hibernation ?
Le single édité sous la forme d'un 7 pouces rapidement épuisé, Total Sjelelig Bankerott a livré une partie de réponse. Froid et implacable, âpre et saignant, et plus puissant que jamais, tels sont les attributs qui symbolisent la mouture 2012 de cette horde toujours guidée par le chant venimeux de Mannevond et les guitares de Kvass. "Introvertigo" ou"Goat Lodge" confirment cette impression. Les Norvégiens y démontrent notamment leur maîtrise des cassures rampantes, du break tranchant. De ces riffs grésillants à ce climat glacial libérés par des mid-tempos lourds comme des panzers ("I Eklipsens Skimmer", "Drammen"), Vertigo répond aux canons du genre fixés par les Grands Anciens. En cela, il s'agit d'un pur spécimen de "True Norwegian Black Metal".
Mais l'oeuvre présente aussi un second visage, moins fidèle à l'orthodoxie, Season Of Mist oblige, peut-être. Il y a le quasi punk "Stolichnaya Smert", pollué par une voix féminine déglinguée. Il y a ces intermèdes instrumentaux bizarres ourlés de notes inquiétantes ("Terminal Trannistrii"). Il y a surtout "Phantom Kosmonaut" et plus encore le terminal "Inertia Corridors" que hantent tout autant un son de Mellotron lugubre que le fantôme de Trondr Nefas, décédé en 2012, auquel l'album est dédié (ainsi qu'à Jonas Aus Slavia, mort l'année d'avant) et dont le projet Angst Skvadron trempait déjà dans des effluves seventies et progressives.
Avec Vertigo, opus classique et audacieux qui fera date, Koldbrann réussit un brillant retour à la hauteur de sa réputation. Puisse-t-il marquer un nouveau départ et incarner un second souffle pour les Norvégiens...