Coincé entre un Somewhere Along The Highway plaisant mais inodore et le projet Eviga Riket, audiobook poursuivant le concept qui lui a servi de trame, Eternal Kingdom n'a pas vraiment freiné l'éloignement de Cult Of Luna vis à vis de son public et ce, en dépit d'une inspiration retrouvée. Presque cinq ans après, Vertikal vient enfin lui succéder. Celui-ci marquera-t-il le retour en force du collectif suédois ?
Chroniquer un album du groupe n'est jamais chose évidente, à l'exception - et encore ! - du successeur de Salvation, tant chacune de ses créations, malgré un substrat lourd et glacial commun, est pensée comme un tout cohérent, un objet aussi bien sonore que visuel qui se suffit à lui-même. Seules de multiples écoutes permettent de distinguer le travail et toutes les nuances d'une musique qui est bien plus que cela. Ce sixième opus ne déroge bien entendu pas à la règle.
Concept-album, Vertikal s'inspire de l'expressionnisme allemand (le Bauhaus) et surtout du long métrage messianique, "Metropolis", réalisé par Fritz Lang en 1926, illustrant une megapole divisée entre ville haute où vivent les élites et une ville basse où croupit le prolétariat. Au-delà de cette influence, c'est tout un univers urbain et industriel qui forme la matrice de ces neuf compositions. Cette influence détermine une approche à la fois verticale et épurée, désincarnée et organique, du Post Hardcore protéiforme que forgent les Suédois depuis quinze ans. Bien que la ligne droite a toujours constitué un élément clé de leur son, que l'on songe seulement à Salvation et ses aplats atmosphériques, les musiciens ont poussé jusqu'à son paroxysme cette linéarité, à l'image du gigantesque "Vicarious Redemption" dont la lente élévation se conjugue à une pureté du trait foudroyante.
Pour souligner la dimension mécanique du concept, Cult Of Luna multiplie les emprunts à la musique électronique, témoins les courtes pistes Ambient et torturées "The One" et plus encore "The Sweep", cependant qu'il imprime à un titre tel que "Synchronicity" un souffle robotique aussi glacial que terrassant. Cette inspiration expressionniste s'avère être l'écrin idéal à la mélancolie coutumière du groupe qui explose lors de "Mute Departure" dont la seconde partie touche au divin et avec "Passing Through", respiration terminale de laquelle suinte un désespoir infini. Ce son d'orgue qui s'en échappe et cette voix de plus en plus spectrale, confinant au murmure, contribuent à achever l'écoute sur une note mortuaire et faussement calme.
Ce colossal travail associé aux qualités habituelles de Cult Of Luna, dont ces guitares tour à tour granitiques et déchirantes de beauté ("I : The Weapon") et ces lignes vocales extrêmement réfléchies, ne pouvaient qu'aboutir à une oeuvre marquante. Dont acte.