Finalement il y aura une nouvelle vie pour Voivod alors que ses membres pensaient en terminer avec l'aventure de la légende canadienne après la disparition tragique et bien trop brutale de Denis "Piggy" D'Amour en 2005. Deux albums avaient suivi cet évènement, "Katorz" sorti en 2006 et "Infini", sorti en 2009, qui contenait ses ultimes contributions. Finalement la musique l'a emporté et pour ce retour, Michel Langevin et Denis Bélanger ont rebâti leur line up. Jason Newsted a été remplacé par le bassiste d'origine du groupe, Jean-Yves Thériault et Daniel Mongrain a intégré définitivement le groupe, mettant fin aux deux versions du groupe, une scénique et une pour le studio.
La gestation de ce "Target Earth", 13ème offrande de Voivod, a été longue. Commencée en 2010 sans certitudes, elle aboutira finalement courant 2012 sur un retour aux sources. Car si la pochette renvoie clairement au 1er album, "War And Pain", c'est surtout musicalement que Voivod revient à ses origines, entre "Killing Technology" et "Dimensions Hatröss", avec un cyber thrash complexe, froid et difficile d'accès.
Voivod n'innove plus mais il excelle à retrouver les bases d'un son qu'il a créé et nous fait oublier des albums récents sympathiques mais convenus. Mongrain à la guitare est bluffant tant il marche avec classe dans les traces de Piggy sans pour autant le copier. Son jeu est inventif, explosif, technique et porte la marque Voivod avec nombre de dissonances et de changements rythmes surprenants et habités. A ses côtés Denis Bélanger garde ce timbre si personnel, savant mélange de punk et de thrash mais avec un côté sombre et clair aux limites de la new wave.
Comme à son habitude, le groupe a ajouté à son metal des éléments jazzy et progressifs qui lui confèrent ce son si particulier. Il en ressort un disque particulièrement brillant qui regorge d'excellents titres tels "Target Earth", "Mechanical Mind" ou encore "Resistance". Ces morceaux sont pour la plupart hypnotiques et emprunts d'une certaine solennité conférée par le chant habité de Snake Bélanger. Les multiples changements de tempo entre heavy thrash et wave nous plongent dans un univers schizophrénique fortement stressant avec en plus un chant en français qui contribue beaucoup à donner un aspect robotique à l'ensemble, exercice de style que chérirait un S.U.P. On distinguera enfin "Warchaic", véritable monument musical de plus de 7 minutes qui touche à tout les styles, du thrash à la wave hypnotique, le tout saupoudré de passages jazzy.
Avec ce "Target Earth", Voivod signe un retour en forme inespéré. En choisissant de se détacher du passé et d'avancer, la formation canadienne a pris un pari courageux mais payant qui lui permet de retrouver toute sa force créatrice. Amateurs de musique extrême, à la fois racée, technique et intelligente, foncez sur ce disque ! Il est l'un des plus réussis dans le genre depuis bien longtemps.