Alors qu'il nous avait fallu patienter quatre ans pour - enfin ! - découvrir le successeur de Masterpiece Of Bitterness, œuvre avec laquelle Sólstafir a commencé à franchement larguer les amarres du Black-Metal viking de ses débuts pour accoster sur une terre plus personnelle, Köld n'aura quant à lui attendu que deux années pour voir son héritier pointer son nez gelé. Loin de signifier un éventuel bâclage, cette toute relative précipitation (pour le groupe, s'entend) témoigne au contraire d'une maturité enfin atteinte par les Islandais qui se permettent même le luxe d'accoucher pour cette première sortie sous le giron de Season Of Mist, d'un double album !
Fort d'une identité qui n'appartient qu'à lui, Sólstafir poursuit de fait l'évolution entamée depuis 2005 qui le conduit vers une musique tout simplement de plus en plus Rock. Ce qui ne veut surtout pas dire qu'elle ait perdu en complexité, bien au contraire, le groupe restant l'architecte unique de compositions souvent épiques, ancrées dans un substrat aussi bien culturel que géologique, que recouvre toujours un suaire de glace malgré le magma bouillonnant qui crépite en elles. Chant en islandais et musiciens au look improbable, Solstafir est inclassable, s'employant à brouiller les cartes et à ne jamais enfanter des disques identiques.
Scindé en deux pans, Svartir Sandar le démontre encore une fois, quand bien il impose d'emblée la signature si singulière de ses auteurs. Plutôt que de tenter le jeu fastidieux de la comparaison entre Andvari et Gola, mieux vaut appréhender ses deux parties comme un tout, bordé par deux gigantesques sentinelles : "Ljós í Stormi", soit près de douze minutes dans la lignée des longues et frissonnantes échappées dont le collectif a le secret et que rehausse des touches psychédéliques plus marquées encore que sur Köld et que fissure une crevasse atmosphérique sublime, et "Djákninn", introduit pendant plus de deux minutes pas des notes de guitares engluées dans une mélancolie glacée, avant une élévation progressive et une conclusion teintée d'un profond désenchantement à peine atténué par le break très hard rock seventies qui la déchire.
Entre les deux, un véritable volcan en éruption, libérant des morceaux planants parfois ("Melrakkablús" assez indescriptible en réalité), voire Ambient ("Kukl"), envoûtants toujours ("Svartir Sandar", grisant avec son chœur à la fois chaleureux et fantomatique lors de ses ultimes mesures) et reposant sur un tapi sédimentaire de cendres noires, chacun s'emboîtant dans un ensemble extrêmement réfléchi, à l'image de l'enchaînent final, de "Stinningskaldi" à "Djákninn".
A l'instar de ses deux ainés dans la continuité desquels elle s'inscrit, cette quatrième offrande ne se dévoile pas dès la première écoute, réclamant de longs préliminaires pour en briser la glace qui le recouvre telle une gangue. Mais une fois cette barrière traversée, quelle beauté immense et douloureuse cet album irradie ! Au-delà des comparaisons malvenues et vaines, Sólstafir continue son chemin, seul et libre, et livre un très grand disque à la (dé)mesure d'une inspiration de feu et de givre.