Si on ne s'étonne plus désormais de croiser des femmes tenant le micro dans des groupes de Doom, en revanche, les formations 100% féminine y sont encore rares, ce qui du reste est aussi le cas dans le Metal en général, exception faite - et bien faite - des Girlschool, Vixen et plus récemment Crucifield Barbara ou Indica. Animé par quatre donzelles, Shever est l'un de ces spécimens.
N'allez cependant pas croire que, parce qu'elles sont entre elles, sans la moindre la présence masculine, ces jeunes femmes font dans le Gothic Doom romantique. On en est loin, très loin même puisqu'elles exaltent la face la plus sombre, la plus extrême, celle mortifère et ultra pachydermique d'un Doom Death aussi vicié que terrassant. Alexandra exécute des gorges profondes abyssales quand elle n'éructe pas carrément avec sa voix capable d'avaler toute source de lumière tandis que ses copines perforent la roche pour creuser un tunnel sans fin aux effrayantes ramifications.
Remarquées il y a cinq ans grâce à Ocean Of Illusions, leur première offrande, nous étions sans nouvelle des Suissesses depuis le EP - de plus de trente minutes tout de même - A Dialogue With The Dimensions en 2009. C'est dire si l'arrivée de Rituals était attendue par les amateurs d'excavations telluriques. L'attente en valait la chandelle car ce deuxième album s'impose d'emblée comme un dérelict désespéré qui vous hante longtemps après que l'écoute se soit achevée.
Masterisés par Greg Chandler dans son antre du Priory Studios Recordings, ces six golgothas suintent un sentiment d'inexorabilité absolu, blocs massifs de matière brut bouillonnant d'une noirceur cendreuse. Toutefois, la pesanteur abyssale qui les mine ne leur interdit pas un dynamisme dans la construction sans lequel ces titres ne seraient que de monolithiques marches funèbres. Une accélaration ici ("Ritual Of Chaos"), quelques bribes de chant clair là ("(You Are) The Mirror"), des notes de violon décharnées ailleurs ("Souls Colliding") aèrent timident ces plaintes au bord d'une asphyxie, véhiculés par un blockaus rythmique étouffant et des lignes vocales tour à tour caverneuses ou presque incantatoires.
La musique de Shever doit beaucoup au jeu de sa guitariste, Jessica dont les riffs exsudent une tristesse hallucinée, témoins le monumental "Je suis née", pulsation poissée d'une mélancolie rugueuse où la guitare semble souvent être tout près de la rupture et graviter au bord du gouffre sans fin ou bien encore la terminale piste (quasi) instrumentale , "Tha He Na Te", rituel apocalyptique de plus de 9 minutes où la chanteuse hurle des imprécations sur fond de rouleaux de batterie sismique avant que le titre entame une décélaration emmenée par une six-cordes rocailleuse. Qui parlait de sexe faible ?